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Ces affiches géantes enfin débarrassées de nos vues

Par Moha

Le mardi 10 janvier 2017, on pouvait lire ce qui suit, dans un journal de la place : « Macky Sall était partout. Depuis hier, lundi 9 janvier, il n’est nulle part. C’est que l’image du chef de l’État, qui ornait les grandes affiches visibles à travers la capitale depuis quelques mois, a complètement disparu. » Et le même journal de préciser que c’est le Premier Ministre Mahammad Dionne qui a demandé aux services concernés de faire rapidement ce travail de nettoyage. « Je ne veux voir aucune affiche au retour du Président d’Abuja », avait lancé M. Dionne à ses interlocuteurs. Il répercutait ainsi une directive du Président Macky Sall lui-même qui, semblait-il, « ne supportait plus cette campagne d’affichage qui sentait fort le culte de la personnalité du chef dans une dictature ».

Le Premier Ministre ‘’avait avalé ma bouchée’’ car, dans la même période, je réfléchissais sur une contribution à laquelle j’avais déjà donné le titre suivant : « Des pratiques qui rappellent, toutes proportions gardées, le culte de la personnalité dans les régimes des pays communistes des années 50. » Tout d’un coup donc, le Président de la République ne veut plus voir ces affiches géantes et omniprésentes qui portaient son effigie. Qu’est-ce qui a bien pu se passer ? On peut légitimement se poser cette question si on considère que, pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, il s’est bien accommodé de ces affiches. Peut-être même, en était-il ravi puisque l’autoroute et la Corniche Ouest qu’il emprunte au cours de ses nombreux déplacements en étaient jalonnées. Elles étaient aussi omniprésentes dans les villes de Pikine et de Guédiawaye après qu’il y a tenu ses conseils de ministres délocalisés. Ces affiches, visibles dans toutes les localités de l’intérieur qu’il visitait, faisaient donc bel et bien partie de sa pratique politicienne. Et, jusqu’à preuve du contraire, elles accompagneront encore le politicien-propagandiste pur et dur qu’il est.

En attendant, nous nous interrogeons sur la pertinence et le coût de ces affiches géantes, de ces nombreuses, très nombreuses affiches toutes marron-beige qui relèvent plus de propagande que de souci de développement. Combien nous coûtent-elles finalement et pour quelle efficacité ? Qui les commandait  et auprès de qui ? Sur quelles bases ? Par appel d’offre ou par entente directe ? Nous n’aurons sûrement jamais de réponses à ces questions-là, tant que Macky Sall est Président de la République. Mais, il arrivera bien un moment où nous en aurons le cœur net, car la nébuleuse gouvernance des Sall n’est pas éternelle, malgré l’existence de mouvements de soutien comme « Ak Macky ba faww », et des prières de certains chefs dits religieux qui vont dans le même sens. Ces affiches géantes, qui ont gêné tout d’un coup le président-politicien, accoucheront peut-être de gros scandales, comme la rénovation de l’avion de commandement « La Pointe de Sangomar », le montage financier du Monument de la Renaissance africaine, l’acquisition par l’Etat – plutôt par l’Etat-homme – des terres du Général Chevance de BERTIN à BAMBILOR, le Festival mondial des Arts nègres (FESMAN) et de nombreux autres qui ont jalonné une autre gouvernance nauséabonde : celle des Wade.

Arrêtons-nous un peu sur deux affiches de Dakar Dem Dikk (DDD). Sur l’une, alors présente partout à Dakar on voit, entre deux bus, le président-politicien debout et le directeur général-propagandiste en  médaillon, le tout agrémenté par deux slogans : « En route vers le Sénégal dem dikk », « Me Moussa Diop, DG de DDD, l’émergence en mouvement ». La seconde présente le président-politicien et le directeur général-propagandiste séparés par un gros bus. Le premier est tout en blanc habillé et le second en costume avec des dossiers à la main droite (qu’est-ce qu’ils viennent faire ici ?). Où a-t-il trouvé de l’argent, ce DG propagandiste, pour réaliser ces affiches géantes ? Si c’est l’argent de DDD, a-t-il le droit de l’utiliser pour faire de la propagande ? Si c’est le cas et ça l’est probablement, qui a réalisé ces affiches ? Sur quelles bases le DG-propagandiste lui en a-t-il confié la réalisation ? Quel est leur coût déclaré ? Quel est leur coût réel ?

Nous sommes bien fondés à nous poser ces questions si on sait que, à tort ou à raison, un rapport d’audit a mis en cause sa gestion des marchés. Il a donné une conférence de presse pour rejeter les conclusions du rapport du Cabinet (Business System Consulting) sans convaincre, apparemment (‘’Walfadjri’’ du 24 janvier 2017, page 5). Ces affiches ridicules pourraient nous coûter très cher. Il pourrait en être de même de la caravane de bus neufs de DDD, tout aussi ridicule, qu’il a conduite à Tivaouane, à Ndiassane, à Touba, à Médina Baaye, etc., pour solliciter des prières. Pourquoi une caravane ? Un seul bus n’aurait-il pas suffi ? Peut-être même sa seule présence ? Dans les pays sérieux, les directeurs généraux de sociétés nationales  ont-il vraiment le temps de réaliser des affiches pour faire plaisir au chef de l’Etat (ou de gouvernement) ou conduire une caravane de bus pour aller solliciter des prières on ne sait où ? Il faut quand même, qu’au Sénégal, on arrête certaines pitreries. C’est par le travail, et par le travail seul que notre pays émergera. Nos gouvernants bavardent trop et passent le plus clair de leur temps dans des activités de propagande et de politique politicienne.

J’ai du respect pour les chefs religieux dont les prières sont sollicitées par le DG de DDD. Cependant, force est de reconnaître que ces prières n’auront aucun impact positif sur le fonctionnement de l’entreprise, s’il n’a pas pour socle la compétence, l’expérience, la gestion dans la vertu, l’organisation et la méthode. La caravane du DG de DDD est coûteuse pour rien, comme le sont d’ailleurs ses affiches géantes. La preuve, il a déjà maille à partir avec l’Agence de Régulation des Marchés publics (ARMP), et pourrait en avoir avec l’Inspection générale d’Etat ou la Cour des Comptes, si sa gestion générale était contrôlée par ces deux structures.

La grosse affiche consacrée au très coûteux Train Express régional (TER) a pour slogan « Le temps de l’action ». Il est vraiment temps de passer à l’action, à l’action de développement, sans tambour ni trompette. Nos gouvernants devraient la privilégier largement par rapport aux activités politiciennes coûteuses comme les « mobilisations exceptionnelles » pour la « massification du parti », les tonitruantes poses de premières pierres et inaugurations d’infrastructures. Pour accueillir une transhumante dans l’Alliance pour la République (APR), le Premier Ministre a conduit, jusque derrière Kaolack, une forte délégation composée d’au moins quatre ministres. Combien de litres de carburant ce déplacement politicien nous a-t-il coûtés ? Combien nous coûtent les nombreuses « mobilisations exceptionnelles » qui marquent les « rentrées politiques » ou « l’accueil des transhumants » dans le parti qui distribue les sinécures ?

Nous tous citoyens, nous toutes citoyennes, devrions avoir un regard plus appuyé sur le comportement général du Président de la République et, en particulier, sur l’utilisation qu’il fait de nos maigres deniers publics. Le budget national ne lui appartient pas en tant que Macky Sall. Ni à lui, ni à sa famille, ni à l’APR, mais est plutôt mis à la disposition du Président de la République confortablement élu le 25 mars 2012, pour gouverner mieux que son prédécesseur. Nous l’avons élu Président de la République de tout le Sénégal et non d’une quelconque coterie. Nous ne l’avons surtout pas élu pour construire des mosquées, des églises, des esplanades, des salles de conférences, des résidences pour hôtes dans les cités religieuses. Bien sûr que l’Etat a le devoir de les soutenir, mais il ne peut pas se substituer aux communautés pour tout prendre en charge. Combien de milliards faudrait-il alors pour satisfaire toutes les cités religieuses du Sénégal ? DIEU sait qu’il y en a beaucoup au Sénégal !

On entend souvent le président-politicien et son entourage exprimer publiquement leur fierté d’avoir investi plusieurs centaines de millions, voire des milliards de francs CFA dans tel ou tel foyer religieux au titre de sa modernisation. Pendant ce temps, les nombreux villages environnants où habitent les talibés manquent pratiquement de tout : eau potable, énergie électrique, piste de production, école, centre de santé, etc. Il convient de signaler également que les millions ou milliards déclarés pourraient être de très loin inférieurs aux montants effectivement investis. Malheureusement, il y a très peu de chance que nous en ayons le cœur net car, ils ne seront jamais contrôlés. En tout cas, tant que le président-politicien est aux affaires. La modernisation des cités religieuses ne pourrait-elle donc pas donner lieu à de sérieuses frustrations et à des dérives particulièrement graves ?

Cette question et d’autres passées en revue dans ce texte, ne sont-elles pas au moins aussi importantes que celles agitées par le landerneau politique et qui alimentent, au quotidien, la « Une » de nos journaux ? La composition de la délégation d’une coalition politique qui devait rencontrer le président-politicien n’a-telle pas occupé l’actualité pendant plusieurs jours, de même que le maintien ou non de son coordonnateur ? Les affiches géantes, les interminables publi-reportage, les « mobilisations exceptionnelles » et toutes les autres activités manifestement de propagande financées par l’argent du contribuable ne méritent-ils pas, avec la modernisation des cités religieuses, de retenir notre attention ? Au Sénégal, les gouvernants sont vraiment à la fête. Ils gouvernent comme bon leur semble, dans l’indifférence générale. Ils règnent pratiquement en maîtres sur des citoyens et des citoyennes qui donnent l’impression d’avoir perdu leur capacité d’indignation. Dommage !

Dakar le 1er février 2017

Mody Niang

 

 

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