La dissolution du parlement : une opportunité politique pour de nouvelles alliances
Le paysage politique sénégalais continue de se reconfigurer à l’approche des élections législatives du 17 novembre prochain. Parmi les derniers bouleversements, la création de la coalition « Saam sa Kaddu/Sauver le Sénégal », regroupant le PRP de Déthié Fall, le PUR de Serigne Moustapha Sy, Khalifa Sall et Barthélémy Dias de Taxawu Sénégal, Pape Djibril Fall et Anta Babacar Ngom, se fait remarquer. Ce départ significatif de Yewwi Askan Wi, une des grandes forces de l’opposition de la dernière législature, annonce une nouvelle ère pour les forces en présence.
À moins de six mois d’une élection présidentielle qui a vu un changement de pouvoir, la dissolution du parlement par le président de la République a ouvert la voie à de nouvelles stratégies. Ce nouveau calendrier républicain offre aux forces politiques la possibilité de renouveler le jeu politique. En effet, de nombreuses formations et coalitions voient cette législative anticipée comme l’occasion idéale pour proposer des programmes novateurs et répondre aux attentes pressantes des citoyens.
La coalition « Saam sa Kaddu/Sauver le Sénégal » n’a pas tardé à afficher ses ambitions. Se positionnant dans l’opposition, cette coalition affirme vouloir instaurer une cohabitation au sein de l’exécutif, pour garantir un équilibre des pouvoirs et une meilleure gouvernance. Leurs leaders ont clairement exprimé leur désaccord avec les orientations du président Diomaye Faye et de son Premier ministre Ousmane Sonko, tout en se préparant à offrir des politiques publiques alternatives.
Le clap de fin de Yewwi Askan Wi
La disparition de Yewwi Askan Wi semble aujourd’hui inéluctable. Lors du tirage au sort des 49 partis et coalitions participant aux législatives de novembre, aucune trace de cette coalition n’a été constatée. Cet effacement marque la fin d’une ère et ouvre la porte à de nouvelles configurations politiques. La question demeure : que répondent ces nouvelles dynamiques politiques ? Quels sont les moteurs de cette recomposition ?
Une mobilisation électorale sous haute incertitude
Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur l’impact de ces reconfigurations sur le résultat final des élections. Cependant, une analyse rétrospective nous permet d’identifier certains éléments clés. Lors de la présidentielle de mars 2024, la défaite du camp de Macky Sall avait été perçue comme inévitable. Ce vote “utile” contre le pouvoir avait principalement bénéficié à Pastef, représentant l’opposition radicale, tandis que les autres candidats s’étaient effondrés. Aujourd’hui, après avoir évincé Macky Sall, une nouvelle dynamique électorale se met en place.
La coalition « Saam sa Kaddu/Sauver le Sénégal », forte de ses nouveaux leaders, espère capter une partie du mécontentement actuel. Bien que Pastef semble prêt à obtenir une majorité confortable pour poursuivre ses réformes, il ne faut pas sous-estimer la capacité de cette nouvelle coalition à créer la surprise.
Les risques internes : le talon d’Achille des nouvelles coalitions
Toute coalition, aussi ambitieuse soit-elle, court toujours le risque de tensions internes. Des querelles d’ego lors de la constitution des listes départementales et nationales ont affecté la cohésion de « Saam sa Kaddu/Sauver le Sénégal » du coté de Taxawu avec le retrait de Moussa Tine Président du parti Pencoo, des députés Sanou Dione et XX qui soutiennent ouvertement le Pastef. Ces dissensions qui ont éclaté avant même le début de la campagne, elles pourraient compromettre la dynamique victorieuse nécessaire à un résultat satisfaisant. Toutefois, si la coalition réussit à surmonter ces défis, elle pourrait se positionner comme une force incontournable lors des prochaines élections.
Une pérennité incertaine
Quant à la pérennité de cette coalition, elle dépendra des résultats des législatives. Si elle parvient à remporter une majorité, elle aura probablement une durée de vie d’au moins deux ans, jusqu’à une éventuelle nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale. Cependant, si elle échoue, son avenir restera incertain, et elle pourrait suivre le même chemin que Yewwi Askan Wi, en disparaissant sous le poids de nouvelles dynamiques politiques.
Pastef : une machine politique bien huilée
Depuis son triomphe inattendu lors de la présidentielle, Pastef reste dans une dynamique de victoire. Son défi principal ne réside pas tant dans la lutte contre ses adversaires, mais plutôt dans la capacité à maintenir la confiance des Sénégalais en ses promesses de changement. Fort de son capital politique, Pastef pourrait, comme le PS et l’APR en leur temps, maintenir une domination électorale en consolidant sa majorité et en absorbant ses anciens alliés.
Réflexion sur nos pratiques politiques actuelles
Les récents bouleversements dans le paysage politique sénégalais appellent à une réflexion plus profonde sur nos pratiques actuelles. Il y a moins de six mois, si un second tour avait eu lieu lors de la présidentielle, la quasi-totalité des candidats se serait probablement ralliée à Pastef. Aujourd’hui, la plupart de ces mêmes candidats se trouvent dans l’opposition. Si le pouvoir avait tendu la main à ces forces politiques, il est fort probable qu’elles auraient soutenu Pastef par solidarité.
Aucune des formations politiques de la mouvance présidentielle ne remet en cause l’hégémonie de Pastef, acceptant de passer du statut d’allié à celui de « porté » sur les listes de ce parti. Ces pratiques ne répondent plus aux attentes des Sénégalais. La population attend de ses dirigeants qu’ils dépassent l’opposition systématique et le soutien inconditionnel pour se concentrer sur l’intérêt général. Il est grand temps que nos acteurs politiques révisent leurs pratiques et se hissent à la hauteur des exigences des citoyens, qui sont bien souvent en avance sur leurs élites politiques.
Vers une démocratie sénégalaise plus mature
Au-delà de ces constats, nous espérons que les législatives anticipées permettront d’avoir une lecture plus claire des forces politiques en présence. En suivant attentivement les propositions et réformes soumises lors de cette campagne, il sera possible de dégager des points de consensus au sein de la classe politique. Une fois ces consensus établis, des réformes pourraient être adoptées à l’unanimité, quel que soit le résultat de ces législatives. Il est temps pour nos leaders de sortir de la logique binaire pouvoir/opposition et de travailler ensemble sur les grandes questions qui touchent le pays. Ce serait une excellente nouvelle pour la démocratie sénégalaise.
Mohamed LY, Président du Think Tank IPODE