Idrissa Seck se complait dans des attaques éclatantes à l’endroit du chef de l’État alors que Khalifa Sall s’embrouille dans des révérences d’appareil et de carrière. Dans le précipité de son organisation politique et sociale, le pays en est au stade des alternatives; l’alternance subito presto n’est plus à l’ordre du jour. Le procédé des professions de foi, simples déclarations sans autre arbitrage sur les modèles et les choix de gouvernance, a atteint ses limites.
Jusque-là, Idrissa Seck cogne Macky Sall sans prendre la peine de démontrer, au-delà de sa carrure personnelle, comment mettre un terme au « système d’accaparement ». En ménageant la susceptibilité des alliés du président, il fait montre d’une prudence qui cache mal ses intentions peu ambitieuses d’un simple changement de khalife à la place du khalife. Pour dépasser le cap du « pareil au même », il n’a autre choix que de revenir et de s’expliquer sur son passé récent ou, du moins, sur ce que les sénégalais en retiennent avant de convaincre de sa capacité à changer le cours des choses.
Quant à Khalifa Sall, il peine à franchir le rubicond de la candidature ordinaire faute d’être allé plus loin que le conservatisme d’un héritier morne, préposé à l’intendance. Empêtré jusque-là dans les petits soins, son sursaut viendra certainement d’une audace à invalider l’image de substitut des barons socialistes qui le prédispose au statuquo. Les difficultés inhérentes à sa posture de survivant du parti socialiste scintillent encore au moindre reflet des ajustements structurels et des excès de Senghor à Diouf sur la conjoncture. Produit du système, il lui faut pourtant s’en prendre à l’immobilisme et au conformisme d’État sans entamer sa crédibilité.
Macky Sall n’aura pas trop de souci à se faire tant que ses adversaires ne porteront l’estocade qu’à sa personne sans bousculer les codes et symboles vieillots que l’establishment approuve solidairement par intérêt de classe. C’est à se demander pourquoi les fonds politiques, moyens civilisés d’enrichissement, ne se retrouvent pas au cœur des déclarations de candidature à peine voilées. Il en est de même de la mainmise des bailleurs sur l’économie nationale ou encore de la pléthore budgétivore de ministres et des ministres-conseillers. Manque d’ambition ou peur de représailles, les présidentiables donnent l’impression de s’inscrire dans la continuité.
Quand Macky Sall soutient que l’opposition boude les enjeux économiques, c’est qu’il considère n’avoir rien à perdre. Non pas parce qu’il s’estime valeureux en la matière, il sait d’emblée que ses adversaires ne s’attaqueront jamais ouvertement aux piliers des goulots d’étranglement des politiques publiques. La rectitude politique de cette élite, suspendue tout comme le président en exercice, aux augustes privilèges et aux mythes de l’émergence, conforte sa prime de chef de parti au pouvoir et lui donne une longueur d’avance.
Certes, les sénégalais attentifs à la consistance des promesses électorales représentent un poids à l’urne négligeable, mais de leur intérêt manifeste et de leur suggestion s’enclenchent dorénavant les mouvements de masse. C’est une demi-vérité que de prétexter du niveau moyen d’instruction des sénégalais pour prétendre que la nature des débats politiques ne traduisent pas la réalité électorale. Gare! Le peuple est très attentif à la manifestation extérieure, son adhésion dépend très souvent des vents en poupe.
Celui qui déboulonnera Macky Sall va s’illustrer plus que par de simples accusations d’incompétence et d’étourderie. Il se distinguera d’idées et de convictions à secouer l’ordre établi. Jusqu’ici, Idrissa Seck et Khalifa Sall s’investissent en pure perte dans des logiques d’alliance probable et des précautions lassantes qui ont fini par les figer ni plus ni moins. Depuis Abdoulaye Wade, déclic du grand désenchantement, les sénégalais ne souscrivent plus aux promotions faites de sentences et de serments.
Birame Waltako Ndiaye