Il est primordial de débattre posément et avec responsabilité d’une éventuelle interdiction de la burqa (ou niqab) au Sénégal pays laïc à majorité musulmane dans notre espace ouest africain. Se poser la question n’est absolument pas vain et cela ne doit pas venir de la seule tentation de vouloir traiter par mimétisme tous les sujets traités dans l’hexagone. Pour un pays laïc comme le nôtre, composé de musulmans à plus de 90%, où l’islamophobie n’est pas d’actualité, il faut beaucoup de pédagogie et de doigté pour expliciter la vraie question autour de ce port vestimentaire qui est plus culturel que religieux. Nous ne devons pas nous passer de cette nécessaire pédagogie pour une cohésion nationale renforcée.
Notre avis est qu’il faut moins parler de la burqa ou niqab que de l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public. Et ce point gagne sa pertinence dans le souci de sécurité des citoyens et donc de l’intérêt public et ce, loin de tout souhait de stigmatiser des groupes de musulmans au sein de notre société. Le risque d’attaque terroriste étant réel chez nous, il nous semble opportun d’invoquer le principe de précaution qui nous semble tout à fait justifié.
Evidemment, quand le législateur aura interdit la dissimulation du visage dans l’espace public de façon légitime, mettant en avant la sécurité de tous, plusieurs types de comportement devront changer. Ceux qui portaient précédemment la burqa devront trouver une solution alternative digne et conservant intacte leur conviction dans la compréhension qu’ils ont de la pratique de leur islam, ce que la constitution du Sénégal leur garantit. Mais ils ne seront pas les seuls : il faudra aussi que les forces de l’ordre puissent interpeller sur la base de ce délit les délinquants qui, dans les manifestations, masquent leur visage avec un foulard ou des cagoules pour saccager impunément nos biens publics. Il faudra aussi globalement que les forces de l’ordre interpellent toute personne dissimulant son identité en public pour quelque raison que ce soit. En somme l’interdiction à laquelle nous appelons devra se faire de manière à respecter les valeurs des femmes musulmanes sans heurter celles-ci dans leur liberté de culte.
Nous pensons que la question traitée sous cet angle mettra la majorité du pays d’accord. Ainsi, on se passera d’une vaine polémique. Il est important de méditer la position du conseil constitutionnel français sur le sujet ajoutant après l’adoption des mêmes dispositions sécuritaires en France ceci : « l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public ne saurait restreindre l’exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public » donc l’interdiction ne pourra pas s’appliquer dans les lieux de culte ouverts au public, au risque de violer la liberté religieuse. Liberté religieuse à laquelle nous sommes tous viscéralement attachés et c’est pour cela que nous refuserons que, par glissement sémantique ou amalgame, de voir la question du voile soit posée chez nous, même pas en milieu scolaire, car on s’y accommode naturellement des signes religieux, que ce soit pour la croix de David que pour la croix chrétienne. Nous invitons alors au renforcement de la laïcité positive au Sénégal et non pas à une laïcité répressive.
Pour finir, nous voulons préciser une chose : il est admis par tous les législateurs et penseurs musulmans que le port du niqab ou burqa n’est pas une prescription religieuse mais culturelle dans certains pays. Dans la lutte contre les troubles publics et contre le terrorisme, on ne saurait s’arrêter sur le contrôle des identités dans l’espace public, cette disposition ne sera qu’un maillon de toute une politique de sécurité sérieuse qui doit être mise en place par nos forces de l’ordre dans l’accomplissement de leurs missions régaliennes.
Ce sujet étant d’une importance capitale et sensible, le Think Tank Ipode ne manquera pas de se réunir prochainement pour le traiter avec tout le sérieux requis et de façon diligente.
Le Think Tank IPODE