Quoiqu’il en soit et de quelque bord politique qu’on se situe, il faut déplorer le « caillassage » du cortège présidentiel ce Vendredi 31 Juillet 2015 à l’Université Cheikh Anta Diop. D’autant plus que le Président y était venu avec de très bonnes nouvelles pour le monde universitaire en répondant positivement et par des actes concrets à de vieilles doléances des syndicats étudiants et des enseignants du supérieur.
Bien-sûr l’université de Dakar a toujours été un “contre-pouvoir” et rebelle mais de là à chercher à malmener la première institution du pays, ce n’est ni républicain,ni juste pour ce pouvoir qui déploie des efforts considérables pour l’enseignement supérieur à travers son projet de réformes courageuses , réformes qui vont dans le bon sens de l’avis de la communauté universitaire. Cette violence n’est donc pas acceptable.
L’université reflet de la société ?
Parlons-en. Notre université est publique donc financée par les contribuables que nous sommes à travers nos impôts. Dans les pays comme les nôtres les étudiants représentent la partie de notre jeunesse la mieux soutenue, accompagnée et encadrée car elle représente nos espoirs de demain. Ils doivent donc à la nation et à ses institutions du respect. Les problèmes de nos universités ne sont pas nés avec Macky Sall, ils remontent aux années d’ajustement structurel de la période du Président Abdou Diouf, depuis l’école nouvelle du professeur Iba Der Thiam qui a sérieusement abaissé le niveau de l’éducation nationale avec le fameux système à double flux, s’ajoutant à cela une mauvaise gestion de la poussée démographique qui a favorisé la pléthore des amphithéâtres avec comme corollaire la baisse sensible du niveau d’excellence des promotions qui se succèdent dans nos facultés. Les mauvais comportements, le manque de civisme, l’impolitesse, tous les maux dont souffre la société sénégalaise s’y retrouvent à une proportion déconcertante est ce normal quand nous pensons qu’ils sont les plus éduqués du pays?
Le Président Macky Sall et ses gouvernements font pourtant de leur mieux et il faut le leur reconnaître, ce n’est pas un quelconque pouvoir qui a failli depuis 1960 mais c’est l’Etat lui-même qui a failli. Depuis que nous assumons notre propre destin, la défaillance ou l’absence à dessein d’un Etat-stratège est la pire chose qui nous soit arrivée.
Si la société sénégalaise va mal, comme on le dit l’université devrait être l’indicateur d’un futur meilleur si tous nos efforts d’orientation et de formation produisaient les effets escomptés. Car à l’université y sont de jeunes responsables qui sont passés par un système élitiste, système qui est assumé dans notre pays. Dans une classe de primaire de 60 élèves seuls cinq se retrouvent, à peu prés, avec le baccalauréat une dizaine d’années plus tard. C’est ce qu’on appelle de l’écrémage. Quand une société écrème à ce point, finance et souhaite que cette voie qu’est l’école républicaine soit un ascenseur social efficace, elle a le droit d’être exigeante avec « ses jeunes privilégiés ». Hélas ce vendredi certains de nos étudiants ont fait pire que les marchands ambulants qui semblent avoir plus de déférence pour nos institutions et finalement plus de respect pour leur pays. Jamais on a vu , dans leurs moments de contestation les plus mouvementés, les marchands ambulants attaquer le cortège présidentiel dans les rues de Dakar.
Amalgames malheureux:
Je suis étonné de voir certains cautionner l’acte des étudiants en nourrissant certains amalgames.
- Certains opposent à cet épisode malheureux à l’université les mouvements et contestations post électoralaux des années 2011 et 2012. Il faut savoir raison garder. Le pays tout entier était dans la défense légitime d’un refus de dévolution monarchique du pouvoir présidentiel. On s’est battu pour des principes contre un Président qui était prêt à s’asseoir sur notre charte fondamentale pour laquelle il était censé être le gardien. A l’université ce vendredi 31 Juillet ces jeunes n’ont brandit aucun principe, aucune exigence, aucune revendication ! Ils ont été instrumentalisés par ce que notre classe politique a de plus mauvais en son sein.
- D’autres nous reprochent, nous qui nous étions distingués dans les luttes syndicales contre le pouvoir socialiste, de refuser à nos cadets les droits qu’on s’était arrogé. Là aussi il y a des précisions à amener. Ce qui s’est passé ce vendredi ce n’est pas du Mai 68 comme mon défunt oncle Abdoul Salam Kane, les Dialo Diop, Blondin Diop , Abdoulaye Bathily et autres ont animé en face du pouvoir socialiste incarné par le clan des Djibo Ka et autres protégés socialistes. Ce ne sont pas les mouvements étudiants de Dakar des années 70 qui ont vu une liste de patriotes être exclus et poursuivis pour des principes et des valeurs qu’ils défendaient. Ce ne sont pas les mouvements de 87 en riposte à l’agression des forces de l’ordre dans le campus social au pavillon A, orchestrée par feu Jean Colin et qui demandait une affirmation et une solidarité entre élèves et étudiants, qui a malheureusement menée à une année blanche en 1988. Ce ne sont pas les luttes des années 90 dans lesquels j’ai été leader avec les Barési Cissé, Wade, Tall du Lycée Limamoulaye etc… dont certains nous ont prématurément quittés si jeunes. Non ! Ce vendredi l’université avait un hôte de marque. Celui qu’il pouvait avoir le plus prestigieux si ces jeunes avaient le sens de la République et de l’histoire. Oui, aujourd’hui nous regrettons le manque de culture de l’élite syndicale étudiante, instrumentalisée à outrance et va-t-en-guerre contre les institutions et la justice de notre pays. Nous, les leaders de ma génération et nos aînés, nous dissertions d’’idéologie à longueur de journée, de doctrines, de politiques publiques et de principes fondamentaux de nos engagements respectifs. Ceux d’aujourd’hui, eux, caillassent la première institution du pays en dehors de tout conflit syndical, en dehors de toute négociation avec les pouvoirs publics, en dehors de tout bras de fer pour l’amélioration des conditions sociales ou d’étude de leur corporation. Aussi paradoxal que cela puisse sembler, le mouvement syndical étudiant aura toujours mon soutien indéfectible dans le cadre de ses actions légales découlant de son droit de grève et de manifestation, même si les moyens utilisés peuvent porter à discussion. Mais ce n’est pas le cas de ces jeteurs de pierres de ce week-end. En prime ils recevront aux premières heures de leur interpellation, la visite des ténors de l’opposition républicaine. Monsieur Oumar Sarr coordonnateur du PDS, Me Amadou Sall et le responsable des étudiants et élèves libéraux Monsieur Elhadji Thiaw se sont rendus au commissariat central pour rendre visite aux étudiants arrêtés. Ceci est une régression que nous déplorons pour nous qui avons tenu le flambeau des Salam Kane , des Blondin Diop, des Savané, Thierno Kane Yankee, des Bathily, des Talla Sylla, Modou Diagne et autres… de la meilleure façon qu’on a pu. Le syndicalisme étudiant est noble et le banditisme estudiantin répréhensible, chers compatriotes.
Cette visite du Président Macky Sall était faite pour amener de bonnes nouvelles aux étudiants, pour leur rendre une certaine dignité de leurs conditions d’étude difficiles et surtout pour les écouter. Ce que leurs aînés n’ont jamais eu dans le passé avec d’autres présidents en fonction. J’ai été élu syndical, j’en ai souffert tout le temps que j’ai défendu des plateformes revendicatives. Dans les années Diouf, on était systématiquement suspects de porter la cause élèves/étudiants et nous étions malmenés à toute occasion, la seule issue qui nous était laissée était la grève, et nous en avions usé allègrement. Cette minorité qui a donc fait le buzz en prenant autant de risques et défiant ainsi nos institutions pour s’attaquer à l’intégrité physique du Président de la République, est une minorité d’étudiants politiciens et cette minorité entache la condition de leurs pairs qui ont plus besoin d’assistance du pouvoir et de son accompagnement. Nous sommes nombreux à nous être battus pour que l’université soit un espace d’échange, un espace pacifié, ou les idées et les ambitions s’entrechoquent sainement , il m’arrive même souvent de dire que ce syndicalisme étudiant était l’antichambre de la vie politique sénégalaise, dans le sens le plus noble. Hélas aujourd’hui certains veulent en faire un espace de non-respect de la République et c’est juste inadmissible. Il y a lieu de reconnaître la noblesse de leur condition de future élite et de leur dire que ceux-ci qui ont fait ce forfait ont été en deçà de la grandeur et de l’espoir qu’on veut placer en eux.Il faut réintroduire donc au sein de nos augustes universités les valeurs républicaines, l’excellence, l’esprit critique, le sentiment de grandeur de notre nation et son coté vitrine sur notre continent. Car nous y avons là notre future élite qui devra propulser notre pays et l’Afrique encore plus loin et plus haut. C’est ignoble, ce qu’ils nous ont fait même les ambulants se sont abstenus de nous infliger cette peine.
Mohamed Ly
Ancien syndicaliste eleve-etudiant
12 commentaires
Moi suis sidérée par cette nouvelle si ceux qui doivent assurer la relève se comportent ainsi où va les pays où sont les valeurs qu’incarner nos anciens c’est dommage qu’on en soit arrivé à ce stade mais le prèsident doit décortiquer ce message fort cela semble dire que le pays ne veut plus de lui en quelque sorte
Tout à fait d’accord . Des intellectuels doivent parler un langage pacifique et bien construit .
Aussi , il eut mieux valu demander à s’adresser directement au PR et lui faire part de ses doléances .
Tout à fait d’accord !!!
Lamentable leurs attitudes.
Qui sème le vent récolte la tempête. Un président politicien qui, au lieu de réformer le pays depuis 3 ans qu’il est au pouvoir, fait dans le dilatoire en procédant a des réformettes désarticulées en installant le pays une campagne électorale. Qui, d’ailleurs, a subi les cailloux des étudiants? Le pr ou le chef de l’apr candidat depuis 3 ans a sa propre succession ? Quand on pose les bonnes questions les réponses deviennent évidentes. Pas de fumée sans feu malheureusement
Je peux comprendre le mecontentement des étudiants mais quand meme accueillir son president avec des jets de pierres c’est de l’indiscipline caractérisée. Apprenez a mettre vos brassards rouges au lieu de casser et bruler cela ne servira a rien.
Ce caillassage est le résultat du travail de Macky et de son gouvernement. Qu’il fasse ce qu’il a promis ou qu’il quitte. C’est tout.
On n’a plus besoin de bonnes nouvelles ou promesses. Ce qu’il faut c’est de l’action, des faits concrets, des projets réalisés mais pas de leur 1ère pose de pierre.
Cela caractérise l’indiscipline et le non respect des institutions. On pouvait comprendre s’il s’agissait de meeting politique mais si je ne me trompe pas c’est la première fois qu’un président en exercice visite l’université. Pour il méritait un autre sort
L’université est devenue un enclos. Comme le disait si bien feu Amady Aly Dieng:”un enclos de singes et de perroquets. Bref un zoo” dixit le très brillant Amady Aly Dieng
L’on nous répète, à chaque fois, que les étudiants sont indisciplinés. J’en déduis que le peuple Sénégalais est par conséquent indiscipliné car l’Université c’est le Sénégal en miniature. l’État doit être moins arrogant et plus regardant sur ce qui se passe au temple du savoir. JUSTICE POUR BASSIROU FAYE.
Merci Mohamed LY pour le partage ! L’analyse est pertinente! Et si l’université n’était que la partie visible de l’Iceberg pour ce qui concerne la lancinante question de l’éducation dans notre cher Sénégal ? On y retrouve des problèmes complexes en termes de valeurs, de repères, de référentiels, d’orientations, lesquels qu’on retrouve dans la société dans son ensemble. Le mal est très profond mon cher Mohamed ! Et si on repensait de façon agissante et inclusive notre éducation pour une meilleure performance socio-économique de l’homo senegalensis ? On s’en sortirait peut-être mieux pour les nombreux défis qui nous interpellent ?
Je ne commente pas d’habitude mais je me dis que cette fois-ci je vais déroger à ma propre règle. Je précise d’abord que je ne suis d’aucun bord. Je suis plutôt d’obédience socialiste mais mon amour de mon pays m’a poussée à les bouter hors du pouvoir en votant Wade quand il s’est fallu. Donc pas de parti pris à mon niveau. Ce qui compte pour moi et le Sénégal et le bien-être des populations.
Rendons à César ce qui appartient à César. Macky fait de son mieux et il faut le lui reconnaître même si on est contre lui ou de l’opposition de quelque bord qu’on se situe.
Des étudiants et de l’université parlons-en. L’université au Sénégal est en général une université publique donc financée par les deniers publics, les impôts. Vue la composition de la population estudiantine, très peu de parents d’étudiants paient leurs impôts et nous savons tous que dans les pays où les choses marchent bien, les impôts sont très forts car ils constituent le socle pour certaines dépenses: les routes, l’éducation, etc. Très peu parmi ceux qui paient leurs impôts ont leurs enfants dans ces universités. Le reste les y envoie parce qu’ils savent que leur seul salut, leur seule voie de sortie de leur condition passe par une formation pour leurs enfants.
Les problèmes de l’université non pas commencé avec Macky, ni avec Wade du reste. Ils découlent des années d’ajustement structurel ( ce serait trop long à expliquer). C’est pour dire que ces derniers ont fait de leur mieux pour palier les problèmes de l’université: surpopulation, encombrement humain et autres. Les étudiants eux-mêmes ne veulent pas en général retourner là d’où ils viennent. Beaucoup d’entre eux préfèrent rester à l’université après l’obtention de leur diplôme ou après avoir épuisé leurs cartouches, encombrant ainsi. La surpopulation des salles de classe et amphi ne date pas d’aujourd’hui. Déjà à la fin des années 70 c’était d’actualité. Je parle d’expérience pour avoir fréquenté l’université en son temps et y être retournée en 98 pour de nouvelles études. Lors de mon 2ème séjour, j’ai fréquenté le département de sociologie où n’étaient orientés que ceux avec mention. Malgré leur bon niveau, ces jeunes s’exprimaient dans un français exécrable. Déplorable. Les mauvais comportements, le manque de civisme, l’impolitesse, tous les maux dont souffre la société sénégalaise se retrouve en forte concentration à l’université. La fermer n’est certes pas une solution mais le bagne pourrait en être une.
Sorry d’avoir été si longue. J’ai couché mes idées pêle-mêle, comme elles me venaient. Mais il me fallait parler. L’état laisse trop faire ces malpolis.
Mohamed, il ne faut pas oublier que l’Université est par essence l’épicentre de la lutte des idées, qui se traduit par des luttes politiques. L’université n’est pas simplement un temple du savoir et du savoir vivre, c’est une arène de lutte des classes où l’idéologie des classes dominantes qui gouvernent s’affronte avec celles des classes antagoniques dans l’opposition. Le problème de nos universités africaines, notamment celles du Sénégal, c’est que cette lutte politique se mène, non pas autour d’une bataille d’idées, mais par le biais de la violence physique, et du vandalisme. Il ne s’agit donc pas de jouer à l’angélisme, mais d’exiger que de cet espace soit extirpée toute forme de violence physique et de vandalisme, pour laisser la place aux batailles d’idées dont l’expression libre doit être garantie par l’institution universitaire. La violence et le vandalisme ne sont pas des attributs d’une communauté universitaire où se forge l’élite d’une Nation. Les contradictions qui minent une société ne peut nullement ne pas s’exprimer à l’Université, mais, dans aucun cas, elles ne devraient s’exprimer par le biais de violence physique et de vandalisme. Donc, ceux qui rêvent d’expulser la politique des espaces universitaires perdent leur temps. Aucune université n’est neutre face aux contradictions qui minent sa société. Ce qui est donc nécessaire et incontournable, c’est de dénoncer avec vigueur toutes formes de violence physique et de vandalisme dans l’espace universitaire, dans la lutte politique qui se mène dans notre pays, jusque dans les campus académique et social. C’est à cet égard, qu’aucun républicain et démocrate sénégalais ne devrait cautionner le “caillassage” de l’escorte présidentielle en visite à l’UCAD. Ne pas le dénoncer avec vigueur, c’est juste abdiquer devant ceux qui usent des méthodes de terreur et de vandalisme pour faire aboutir leurs revendications, aussi légitimes soient telles, ou leur aspiration à accéder au pouvoir. C’est cette couardise face aux auteurs de violence, qui fait le lit, soit à l’anarchie, soit à la dictature. Let’s get up, and stand up, avant qu’il ne soit trop tard.