Ça craint. Les retraités battent de l’aile
Le Fonds national de Retraites (FNR) couvre les pensions de fonctionnaires civils et militaires. Il s’agit d’un fonds spécial du Trésor dont la gestion administrative est assurée par la Direction de la Solde, des Pensions et Rentes Viagères. Rien à voir avec l’Institution de Prévoyance Retraite du Sénégal (IPRES) qui couvre les employés du secteur privé, les agents non fonctionnaires de l’État et les employés des administrations locales. La situation financière du FNR est très préoccupante alors que l’IPRES totalise des arriérés de cotisation énormes de la part des sociétés parapubliques et privées dont certaines sont déjà liquidées.
L’IPRES et le FNR ont de plus en plus de mal à trouver les ressources pour payer les pensions. Les causes sont multiples, mais deux retiennent particulièrement l’attention. Le ratio retraité/cotisant se détériore de plus en plus et grève largement la trésorerie des structures chargées de gérer les pensionnaires. Cette détérioration s’explique par deux raisons essentielles : le chômage qui est grandissant à cause, entre autres éléments, des ajustements structurels et la récession économique. De l’ordre de 5 cotisants pour un retraité au début des années 1990, le ratio chute à 2,5 cotisants pour un retraité en 2011.
La longue stagnation de la population cotisante à cause du gel des recrutements à la fonction publique afin de maitriser la masse salariale y est également pour quelque chose. Tant pour les fonctionnaires que pour les travailleurs du secteur privé ou de l’administration locale, la situation ne se présente pas sous de bons auspices. L’affiliation au FNR est matérialisée par le prélèvement de cotisations mensuelles retenues à la source. Ces cotisations sont restées fixées à 35%. À la suite de la réforme du FNR en 2002, la part de l’employeur, supportée par l’État, est passée de 20% à 23% alors que celle des employés a connu une baisse, passant de 15% à 12%.
Avant la réforme de 2002, l’assiette de cotisation au FNR se basait sur la solde mensuelle, exclusion faite de toutes indemnités, allocations et avantages familiaux. À présent, l’assiette est élargie à tous les éléments communs aux fonctionnaires : le complément spécial de solde, l’indemnité de résidence, les augmentations et ajustements de salaire. Tout de même, les bénéficiaires du FNR augmentent à un rythme très soutenu, largement au dessus des cotisants au régime. Ainsi, de 1992 à 2011, l’accroissement du nombre de cotisants était de 32% alors que celui du nombre de bénéficiaires avait plus que doublé.
La réforme de 2002 a tenté de corriger ce déséquilibre en procédant à des recrutements massifs, augmentant significativement la population cotisante. Il en était de même de la modification de l’âge de la retraite de 55 ans à 60 ans. Mais, la reprise des flux de départs à la retraite cinq ans plus tard est venue accroître à nouveau le nombre de bénéficiaires. Par ailleurs, l’augmentation du nombre d’ayants droits liée à la pratique de la polygamie fait que globalement, les bénéficiaires de pensions de réversion dépassent sur une longue période le nombre de retraités de droits directs. Enfin, les gains d’espérance de vie allongent la période de jouissance de la pension et exercent une forte pression sur les finances consacrées.
Mame Birame Faye, président du Collectif national des associations de retraités et des personnes âgées estime qu’au Sénégal, « on se moque éperdument des retraités ». De son point de vue, c’est moins de la moitié de la solde que le retraité touche à la fin du mois alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter. Il considère que les populations d’âge avancé continuent d’être des soutiens de famille. « Ils entretiennent souvent toute la famille notamment les enfants et les petits enfants. Dans ces conditions, le degré de précarité et de vulnérabilité des ménages est énorme. »
Ces déséquilibres mettent en évidence les limites du système actuel de retraite par répartition. De plus en plus de spécialistes notamment les compagnies d’assurances estiment que les entreprises et les particuliers doivent adhérer aux régimes complémentaires fonctionnant par capitalisation afin de préserver le niveau de vie moyen des salariés à la retraite. Selon Papa Babou Ndiaye, ancien directeur technique de l’IPRES, une coexistence entre le système de retraite par répartition qui symbolise la solidarité intergénérationnelle et le système de retraite par capitalisation soutenu par l’effort individuel d’épargne constitue la seule issue possible.
Birame Waltako Ndiaye