Il y a avait une ambiance d’anesthésie au sein de l’hémicycle de l’assemblée nationale ce 11 Novembre 2014 à l’occasion de la Déclaration de Politique Générale (DPG) du Premier Ministre Mohamed Dionne. L’opposition était comme embarrassée et le pouvoir bienveillant vis-à-vis de cette dernière. Le grand oral du Premier ministre s’est passé dans le calme, la sobriété avec le souci de précision et de clarté, bref ce fut à l’image de l’homme. Mais aussi ça tenait à l’histoire et aux méthodes de l’homme. Le PDS n’a pas pu se déchainer sur l’homme qui prie avec le pape du Sopi au Gouye Mbinde et à ces occasions-là, lui réitère toute son estime et son respect en lui transmettant les amitiés de son chef. Les formes ont été sauvées, la DPG n’aura pas été ce ring absurde ou pouvoir et opposition s’écharpent inutilement. On a mieux parlé et traité des problèmes que rencontrent nos populations.
Une et une seule priorité : l’emploi
Venant à l’exposé du Premier ministre, Mohamed Dionne dégage une et une seule priorité pour son gouvernement et il ne s’y trompe pas, c’est l’emploi en général et l’emploi de jeunes en particulier. Le PSE étant le plan, s’il est bien exécuté répondra correctement à cette cruciale question d’emploi dans notre pays. Réussir l’emploi des jeunes, (60% des sénégalais ont moins de 25 ans) c’est par ailleurs circonscrire une explosion sociale prévisible tant l’attente est grande. L’agriculture qui a eu aussi une place de choix dans le discours du premier Ministre doit être un des leviers qui aura comme première finalité de donner de l’emploi aux jeunes d’abord, naturellement elle aura pour objectif aussi de nous assurer une indépendance alimentaire et un boosteur pour notre croissance économique.
Après une première partie du discours consacrée à l’état des lieux et à l’énoncé des premières mesures du Président de la République depuis son accession au pouvoir, le Premier ministre nous renseigne d’emblée que 46% des demandeurs d’emplois sont sans formation. Il est clair qu’il nous indiquait par cette statistique saisissante que donc l’adéquation de l’offre de formation au marché du travail sera un des défis de son gouvernement. La formation, l’enseignement supérieur avec la création de nouvelles universités comme la deuxième université de Dakar sise à Diamniadio prévue pour 2016 ont mobilisé à différents moments du discours de notre Premier Ministre. La promotion et la dynamisation de l’économie numérique seront un rendez-vous à ne pas rater dans la vision du Premier ministre, il annonce la création d’’Instituts Supérieurs d’Enseignement Professionnel (ISEP) à Diamniadio, Matam, Thiès et Bignona. Il ne s’y trompe pas donc, le changement de vision et de paradigme auront comme socle : économie numérique, économie verte et innovation dans notre pays. Cette vision nous agrée.
Dans le cadre de la politique d’emplois le Premier ministre promet la création de 30.000 postes d’apprentis d’ici 2016. La CNEE (Convention nationale Etat/Employeurs) sera rediscutée et redéployée pour 16.000 stages. A rappeler que 15 milliards ont été investis par l’état pour la CNEE depuis 2000 pour l’emploi des jeunes diplômés et il n’y a eu que 19000 jeunes qui en ont profité. L’ambition de Dionne est donc de travailler pour une jeunesse « actrice de développement et ouverte au monde ». Dans le même sillage le Premier Ministre promet une plateforme pour un Outsourcing de qualité! Chez le Think Tank IPODE on applaudit des deux mains car on l’a fortement demandé et ce sera une source de créations de milliers d’emplois. La grande idée que nous retenons donc et que nous soutenons dans l’approche du Premier Ministre est la nécessité de mettre en place des Infrastructures de soutien à la croissance dans notre pays, ce qui nous donnera un avantage concurrentiel certain.
Nouveaux pôles urbains
Le Premier ministre promet l’érection de nouveaux pôles urbains avec 300.000 logements et dans ce cadre des initiatives privées seront soutenues. Ce gouvernement plaide pour un Sénégal des propriétaires en face d’un Sénégal des locataires, en proposant aux sénégalais de la diaspora aussi, un accès à la propriété avec 30% logements sociaux. Pour les infrastructures de soutien à la croissance il est prévu 27 projets de route à raison 50 Km d’autoroute par an et 7 projets de pont de désenclavement. La politique de renouveau urbain sera appuyée par la promotion du programme “ville verte”. Le développement durable fut au rendez-vous durant toute la déclaration du Premier Ministre comme fil conducteur. Dans ce cadre il est annoncé un programme d’électrification solaire pour 1000 villages. Le mixte énergétique sera en branle dans le pays, précise le Premier Ministre avec l’importation d’électricité chez nos voisins comme ceux de la République Islamique de Mauritanie et la réalisation du barrage de Samba Ngalou tout ceci accompagné du renouvellement du réseau de distribution pour résorber notre déficit énergétique.
Pèle Mêle
Sur le domaine de la santé un satisfécit général s’est dégagé à l’endroit de la ministre Awa Marie Colle Seck qui gère ce département depuis l’avènement de ce nouveau régime. Sa dextérité et son efficacité sur le traitement de l’Ebola n’y sont pas pour rien. Le Premier Ministre promet le relèvement du plateau sanitaire, mais par des cliniques, le mot privé n’a pas été prononcé, mais il a sonné très fort dans nos oreilles. Il a aussi évoqué le redressement des Nouvelles Editions Africaines ce qui est une forte demande des artistes et écrivains de notre pays. Le gouvernement promet aussi la rénovation du musée des civilisations … Ambitieux programme culturel mais ça a du sens quand notre Premier Ministre s’est exercé à lier le développement à la culture. La diaspora n’était pas en reste, elle se voit proposer d’être pris comme partenaire de l’Etat, ce qui relève un peu de la flatterie politicienne mais surtout on lui décline le triptyque selon laquelle elle sera administrée : Protection Promotion Partenariat.
Premières analyses et impressions
– Il est bien entendu que les chemins de fer, le Train Express régional, le nouveau aéroport Blaise Diagne et toute la stratégie de développement déclinée devant nos honorables députés, n’a de crédibilité que si on s’attaque sérieusement à notre déficit énergétique. Ce qui est un vaste et ambitieux programme que ce gouvernement semble avoir pris en charge. Ceci a quelque chose de rassurant.
– Sur la priorité affichée du gouvernement que l’on partage tous, qui est la création d’emplois dans notre pays, il faut s’attaquer à l’état de fait exposé par le premier ministre à savoir que l’informel représente 95% des emplois et 50% de notre PIB. Il y a un changement de paradigme urgent à opérer pour formaliser certains secteurs et des pans de notre économie via des lois et règlements introduits de façon harmonieuse et intelligente.
– Le non traitement de la baisse de notre productivité industrielle depuis un semestre selon les chiffres de l’ANSD (Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie), nous laisse aussi sur notre faim. Après deux ans et demie de pouvoir du Président Macky Sall, il n’est pas inutile de faire le diagnostic de cette baisse, pour en comprendre de façon avisée les causes, des inflexions dans la politique industrielle entamée serait peut être nécessaire.
– Sur le relèvement du plateau médical le Premier Ministre a évoqué les cliniques comme levier. Ce qui nous fait penser à la privatisation des soins, pour un pouvoir qui fait de sa fierté la mise en place de la CMU il serait mal venu d’enfourcher cette orientation. Mais une clinique peut être publique, et nous ne demandons pas mieux que d’être rassurés sur cet aspect. Après une privatisation rampante de l’enseignement supérieur on vous sera gré de nous épargner une privatisation planifiée de la santé.
– Sur l’autorisation de la marche de l’opposition à la veille d’un sommet que notre pays organise, le Premier Ministre a eu le bon ton et la bonne approche. Il est important que sur certains sujets et/ou enjeux d’intérêt national, que l’on puisse dans notre pays oublier nos divergences et œuvrer pour la réussite de ceux-ci comme l’est notre organisation du sommet de la francophonie. Après le 30 Décembre aussi, un acte de manifestation démocratique comme un meeting ou une marche gardera toujours tout son sens et son impact dans la vie de notre nation.
– Un dernier point à relever par rapport à la plupart des engagements tenus par le pouvoir en place depuis un moment. Ses engagements ont pour la plupart une date butoir qui va au-delà de 2017. Je veux bien qu’on m’invite à épiloguer sur la continuité de l’Etat et la nécessité de mise en place de stratégie à long terme dont je suis demandeur. Mais je rappelle quand même que l’éthique politique impose à ce qu’on ne s’engage politiquement pour l’essentiel, que pour des actions pour lesquelles leur appréciation par le peuple se fera au cours d’une demande de renouvellement de la confiance source de légitimité politique, comme cela est de coutume dans une démocratie. Je suis toujours mal à l’aise quand un politique donne rendez-vous pour une réalisation ou un programme, à une date où il est possible qu’il ne soit plus aux affaires.
– Et pour finir il est excellent que le Premier Ministre lie le succès du PSE à la qualité du dialogue dans notre pays. Ce qui induit une prédisposition du pouvoir à l’écoute et à s’investir dans la construction d’un dialogue social de qualité. A cet effet nous les invitons à tendre l’oreille aux suggestions et aux alertes de la société civile et des Thinks Tanks avec naturellement un dialogue nécessaire qui devrait être continu et fécond avec l’opposition parlementaire. Je rappelle que c’est ce pourvoir, celui que Macky Sall dirige, qui a l’opportunité d’écouter, d’associer et de valoriser les initiatives que sont la mise en place de Thinks Tanks et de clubs de réflexion, des initiatives qui commencent à être nombreuses dans notre pays pour le plus grand bien du débat national. L’impact de ceux-ci dans les démocraties matures n’est plus à démontrer et le Think Tank Ipode continuera de jouer son rôle d’éclaireur et de leader.
Conclusion
Mohamed Dionne a été écouté et « compris » par ses compatriotes mais aussi par l’opposition parlementaire, dans une voix monocorde travaillée sans artifices d’un rhéteur sophiste, il a voulu mettre le sérieux et le concret au cœur de sa marque de communication. L’opposition a été sensible à son parcours et à son caractère du fait qu’il a toujours été, on le sait, un aplanisseur dans les heurts qui ont opposé le pape du Sopi à son “patron”, que ce soit à la Primature ou à l’Assemblée Nationale. Son champ lexical est prometteur de travail, de développement et d’efficacité. Il parle de reddition des comptes, d’économie numérique, d’économie verte, d’employabilité des jeunes, de développement durable, de mixte énergétique, de développement lié à la culture, de guerre contre la pauvreté, de changement de paradigme économique, bref de travail au sens factuel, donc de résultat. Cela nous agrée de penser que le pragmatisme va être mis au service du développement économique social et culturel de notre pays. Et il finit ainsi sa DPG « Monsieur le président le président de l’Assemblée Nationale, honorables députés, voici là les lignes de la politique Générale que je coordonnerai sous la haute surveillance du Président Macky Sall FIN ! ».
Enfin ! Ils ont théorisé le rôle du Premier Ministre dans un quinquennat, ils sont tombés d’accord et Dionne l’a compris et l’applique à merveille. A la place des dualités au sommet de l’Etat qu’on a inventé, puis entretenu et alimenté, on est en face d’une cohésion au sommet de l’Etat. Que l’exécutif en soit renforcé et que ça dure !
Mohamed Ly – Président du think tank Ipode