Ce document d’orientation stratégique sur les IDE au Sénégal dégage des axes de travail pour améliorer l’attractivité du Sénégal dans le domaine des Investissements Directs Étrangers. Ce document a été élaboré par Jean-Philippe Payet, expert en investissements internationaux dans le cadre de ses activités pour le Think Tank IPODE.
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1. Le contexte
I. Une compétition mondiale accrue
Dans un contexte où les flux d’investissements directs étrangers (IDE) au niveau mondial ont progressé de 10,9% en 2013, en particulier en Europe (+25,2%) et en Amérique Latine (+17,5%), la part destinée aux pays en développement aura atteint un nouveau sommet de 759 milliards d’USD, soit une hausse de 6,8% en 2013.
Les projections montrent également que la croissance économique en Afrique subsaharienne devrait continuer d’augmenter, passant de 4,7% en 2013 à 5,2% en 2014. Ces résultats sont tirées par la hausse des investissements dans les ressources naturelles et les infrastructures ainsi que par la forte consommation des ménages, selon le dernier rapport Africa’s Pulse, de la Banque mondiale, publication semestrielle qui analyse les perspectives économiques de l’Afrique.
II. Le Sénégal : un pays en mutation
Après la mise en œuvre de deux générations de Documents de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) de 2003 à 2010, le Sénégal a opté pour une Stratégie Nationale de Développement Economique et Social pour la période 2013-2017 (SNDES), qui constitue le cadre consensuel de coordination des interventions publiques. Adoptée en novembre 2012 par le Gouvernement et l’ensemble de ses partenaires au développement, cette stratégie repose sur la vision d’un Plan stratégique Sénégal Emergent (PSE) visant l’émergence économique à l’horizon 2035. Le Plan d’Actions Prioritaires, articulé sur la période 2014-2018, constitue le document de référence des interventions de l’Etat, des partenaires techniques et financiers, du partenariat public-privé et de la participation citoyenne, à moyen terme.
M. Amadou Bâ, nouveau ministre sénégalais de l’Économie et des Finances et pur produit de l’Administration fiscale sénégalaise, parviendra-t-il à atteindre les objectifs fixés par la SNDES: porter le taux de croissance moyen à 7%, ramener le déficit public en dessous de 3,6% du PIB, en fin de période et réduire le solde du compte courant à – 4,5% du PIB et surtout créer 150 000 emplois par an (500 000 au total sur la période 2013-2017, engagement pris par le président Macky Sall lors de la campagne présidentielle de 2012.
2. Les indicateurs macro-économiques du Sénégal
Le Sénégal a bénéficié depuis la fin des années quatre-vingt-dix d’un boom des IDE[1] et le Gouvernement du Président Macky SALL affiche aujourd’hui une politique très volontariste en ce domaine. Le pays reste grandement dépendant de la croissance européenne et les effets de la crise financière des années 2008-2009 ont entraîné une baisse des IDE de l’ordre de 20%.
En 2013, les IDE ont été à nouveau poussés par de grands projets en faveur du développement des infrastructures et du réseau électrique. Les flux d’investissements étrangers au Sénégal se maintiennent au-delà des 300 millions USD (338 millions d’USD en 2013). La France reste l’un des investisseurs historiques au Sénégal.
L’édition 2014 de l’étude « Baseline Profitability Index » ([2]) réalisé par le magazine Foreign Policy classe le Sénégal en 58ème position (sur 102) des destinations pour les IDE rentables, devançant des économies comme la Turquie, la Belgique, l’Australie, la France, l’Indonésie …
Le Sénégal rejoint ainsi le club des pays africains jugés attractifs comme le Ghana, le Burkina Faso, le Mozambique, le Maroc, la Tunisie, la Zambie, l’Afrique du Sud et le Bénin.
Pourquoi investir au Sénégal
Les points forts
– Une position géographique stratégique
– Un coût de production compétitif
– Une main d’œuvre bon marché et qualifiée
– Une économie saine et compétitive
– Un cadre juridique et fiscal rénové
– Un accès privilégié aux marchés régionaux et internationaux
Les points faibles
– La pauvreté et le mauvais état des infrastructures
– Une administration lente et corrompue
– L’insécurité
– Une faible productivité des entreprises
– Une faible diversité des activités
Les indicateurs globaux sur le « Climat des affaires » dans le pays restent cependant plutôt mitigés.
Si le Sénégal peut afficher de légitimes ambitions en termes de développement, on peut toutefois considérer que le chantier des réformes reste entier. Des réformes courageuses ont été engagées pas le régime du Président Macky Sall.
Ces réformes devraient voir le pays améliorer sa gouvernance, le « Climat des affaires » et le dialogue social pour une stabilité pérenne. Une réforme des institutions d’une grande ampleur est envisagée, du fait de la teneur du rapport de la CNRI[3] remis par le professeur Mbow ancien DG de l’UNESCO président de ladite commission. Dans le même temps la réforme de la politique de décentralisation est en cours, avec la mise en œuvre du volet 1 de l’acte 3 de la décentralisation qui introduit la communalisation intégrale du Sénégal, instaure la suppression de l’échelon régional dans l’organisation des collectivités locales et la redistribue les compétences des nouvelles collectivités locales.
Par ailleurs la promesse du pouvoir de réformer le code des marchés publics pour juguler les lenteurs constatées dans l’attribution des marchés et l’exécution de ceux-ci sans pour autant entamer la transparence du code, tend à améliorer un aspect du climat des affaires et le règlements des différends dans ce domaine.
Toutes ces réformes amélioreront sensiblement l’attractivité du pays parmi le club des pays africains jugés attractifs par les investisseurs étrangers.
3. Propositions pour une stratégie d’attraction des investissements
Les IDE sont d’une importance cruciale pour l’économie d’un pays en développement comme le Sénégal. Ils sont appréciés à cause de leurs caractères durables et leurs effets d’entrainements sur la croissance relativement plus important que tout autre type d’investissement. Perçus comme un vecteur essentiel au processus de développement économique, les IDE gratifient l’économie bénéficiaire de plusieurs effets positifs comme : l’augmentation du niveau de stock de capital privé, la stimulation de la compétitivité sur le marché local, la création d’emplois, et l’accroissement du niveau de stock de connaissances par la fourniture de nouveaux équipements et le transfert de savoir-faire pour n’en citer que ceux-là.
Analyse comparée des indicateurs du Doing Business
Comme le rappelle Daniel Sessi dans une brillante analyse pour « L’Afrique des idées » ([4]), les travaux de l’économiste Jacques Morisset ont montré que le continent africain est capable d’attirer des IDE non seulement en se basant sur ses ressources naturelles et son marché local mais aussi en améliorant l’environnement des affaires ([5]).
Cette analyse est largement partagée par la majorité des économistes et des experts dans le domaine ([6]). On sait que l’amélioration de cet environnement passe par la mise en place de bonnes politiques et de réformes allant dans le sens de l’investissement comme par exemple:
- Ouvrir l’économie sur l’international grâce à la libéralisation du commerce, la promotion de l’export, et le lancement d’un programme de privatisation à l’égard des investisseurs étrangers.
- Alléger les procédures de création d’entreprise, d’obtention de permis de travail, et de financement bancaire et susciter le développement de start-ups
- Renforcer et moderniser les cadres juridiques comme le code de l’investissement offrant une réelle protection des investisseurs, et les règles juridictionnelles notamment pour l’exécution des contrats et des décisions de justice.
- Favoriser les Partenariats Public – Privé
- Adopter et appliquer les réglementations internationales qui régissent les IDE
- Promouvoir l’image du pays via une stratégie de marketing territorial intelligence pouvant s’appuyer sur des figures du pays y compris le président pour promouvoir l’investissement.
Les différentes mesures jusque là adoptées par les autorités sénégalaises pour accroitre l’attractivité économique du pays, dans un contexte de compétition internationale vive, suscitent toutefois des polémiques dans un pays qui en a cruellement besoin. En cause, les facilités offertes à certains investisseurs étrangers et diverses pratiques aux effets jugés néfastes sur les entreprises nationales et sur l’emploi.
On peut ainsi lire sur le site www.sen24heures.com un plaidoyer contre « l’attribution à la multinationale française, Necotrans d’une concession d’un terminal vraquier du Port autonome de Dakar (PAD) ». Pour ces observateurs, « si l’Etat y gagne en termes de droits de porte et d’investissement, l’arrivée de Necotrans signe le renvoi de plusieurs sociétés nationales et à capitaux majoritaires étrangers, et donc une perte d’environ 3000 emplois, selon des responsables d’entreprises de manutention concernées. Parmi celles-ci, les Industries chimiques du Sénégal (ICS), naguère fleuron du tissu économique, qui bat de l’aide en dépit de sa reprise en majorité par des capitaux indiens accusés d’importation de main d’œuvre et d’accaparement des bénéfices sans respecter la contrepartie en investissement. Pour nombre d’observateurs, cela sonne comme un paradoxe au moment où le gouvernement sénégalais entend promouvoir une politique de l’emploi » ([7]).
On peut également citer les difficultés rencontrées par l’investisseur nigérian Dangote, à l’origine de nombreux projets dans le pays ([8]).
Cette ambivalence à l’égard des IDE exige la définition d’une stratégie globale et partagée pour l’amélioration de l’attractivité du Sénégal. Divers facteurs-clés de succès devront être appréhendés :
I. Une gouvernance forte et opérationnelle
L’évolution du contexte international après 1980 a eu une influence marquante sur l’évolution des réalités territoriales du développement. Un élément majeur de l’évolution de ce contexte a été les pressions sociopolitiques et socioéconomiques, d’origine diverse, qui ont entraîné, notamment à travers l’impact des politiques d’ajustement, une redéfinition du rôle des Etats-nations dans le développement. On a pu constater alors l’augmentation de l’influence de nouveaux acteurs transnationaux sur le plan économique et supra et infra nationaux sur le plan politique.
Un Etat doit composer avec les intérêts de nombreux groupes divergents lorsqu’il établit sa stratégie de développement. Chaque acteur tente d’imposer ses intérêts catégoriels qui ne sont en général coordonnés par aucune hiérarchie, d’où un effet de fractionnement, au contraire de ce qui se peut se retrouver au sein d’une entreprise. On observe ainsi une diversité d’objectifs parfois contradictoires venant des administrations de développement économique, des agences touristiques, des investisseurs, des entreprises, des syndicats, des groupes environnementaux, des citoyens mais aussi de l’influence combinée de tous ces intervenants sur les autorités publiques.
Chacun étant indépendant par rapport aux autres, les décisions, pour être efficaces exigent la consultation et la recherche d’un consensus. Mais cela peut entraîner un processus de décision long et ardu en raison des opinions divergentes, bien que cette approche soit un gage d’efficacité dans la mise en œuvre des politiques publiques.
Il nous semble que la dynamique de développement d’un pays doit reposer sur un processus duale et continu de créations de ressources nouvelles: il faut, d’une part se préoccuper de la structure et du fonctionnement du système productif qui doit évoluer dans une démarche permanente d’inventivité, ce qui relève de la gouvernance privée. Il faut, d’autre part, se préoccuper de l’offre de biens publics locaux et de l’adaptation du capital public aux besoins des habitants et des entreprises, ce qui relève de la gouvernance publique. La synergie d’un véritable partenariat public-privé sera donc la clé de voûte de la réussite et des performances des acteurs.
L’un des défis consiste à mieux articuler les échelons de gouvernance, notamment aux niveaux territorial et supra national. L’application du principe permet que la décision publique soit prise au plus près des citoyens et c’est au niveau local que doivent être traitées les questions de portée locale, au niveau régional les problèmes d’ampleur régionale, etc. A cela s’ajoute la nécessité d’une articulation entre les différents niveaux de gouvernance, ce qui passe par exemple par la négociation, entre ces différents niveaux, des objectifs à atteindre. Cette subsidiarité active porte également sur la priorité donnée aux obligations de résultat par rapport aux obligations de moyens et l’adoption de processus de concertation permettant de trouver, non pas des solutions idéales, mais des solutions consensuelles. Chaque pays et chaque niveau de gouvernance ont ainsi le devoir d’apporter des réponses à des problématiques communes.
En ce sens, tant la stratégie que les moyens opérationnels qui seront retenus pour sa mise en œuvre devront avoir une dimension infra (décentralisation) et supra (intégration régionale) nationale forte.
II. Une vision
Obtenir des résultats des principaux moteurs de la croissance ne peut se faire sans la mise en œuvre d’une stratégie résultant d’une lecture plurielle et éclairée des divers paramètres conditionnant la santé économique d’un pays. Le Sénégal, plus que tout autre pays a besoin, pour ce faire, d’un Etat-stratège ([9]) qui saura développer et conduire une vision à moyen terme pour le développement du pays.
Comme l’a suggéré Guichard DORE, dans une réflexion pour Haïti, « un Etat stratège sera un Etat de mission, et se situera aux antipodes de l’Etat/pompier et de l’Etat supplétif. Son rôle sera triple: anticiper et traiter les problèmes, apercevoir les opportunités et résorber les tensions et les conflits.
L’Etat stratège maîtrise son périmètre, fixe une vision de long terme, fait du pilotage en lieu et place de la tutelle. Il définit et identifie ses moyens financiers, fait de la contractualisation, possède des gestionnaires et administrateurs compétents au profil diversifié ».
L’un des piliers de cette vision est la construction partagée des politiques publiques comme devant être le résultat d’une composition tripartite entre l’État, les opérateurs économiques et la société civile, cette dernière étant multisectorielle et multipolaire. L’émergence des cercles de réflexion comme le nôtre devrait être compris dans ce sens. Le Think Tank Ipode compte jouer pleinement sa partition dans cette construction partagée des politiques publiques.
L’Etat stratège c’est aussi un Etat qui divorce d’avec la culture d’annonce pour épouser la culture du résultat ; il signe des contrats d’objectifs, adopte une approche inclusive dans l’élaboration des politiques publiques et détermine les indicateurs de performance et les critères d’évaluation des politiques publiques.
A cet égard, les capacités de Coordination-Anticipation des Etats apparaissent comme un élément majeur dans le processus de décollage économique. Elles touchent aux fondements les plus politiques du fonctionnement des sociétés, rejoignant sur ce point les travaux de North, Wallis et Weingast ([10]) pour qui les dimensions économiques et politiques sont indissociablement liées dans l’explication du fonctionnement des sociétés et notamment du développement (ou du non-développement). La fonction de coordination-anticipation que l’Etat a su organiser dans les pays ayant connu une croissance rapide, avant même que le système de régulation ne soit formalisé, relève d’une combinaison étroite et singulière entre les sphères politique et économique, propre à l’histoire de chacun des pays. Comme l’exemple de Singapour en atteste, elle concerne la capacité de l’Etat à proposer aux acteurs des formes crédibles de prospective, de coordination, de gestion des divergences d’intérêts, d’entraînement de la société vers la prise de risque et la réalisation d’un bien commun supérieur à la somme des intérêts particuliers. En un mot, sa capacité à réduire l’incertitude et à diffuser de la confiance pour tous les agents.
Quelle que soit l’orientation stratégique retenue par les pouvoirs publics sénégalais (seuls à même de faire ce choix politique), il conviendra de dégager une vision à long terme de l’économie sénégalaise, portée par une économie de la connaissance et qui privilégie, en concertation avec les opérateurs économiques, des filières d’avenir, définies en fonction des avantages comparatifs du Sénégal et des marchés porteurs.
Depuis l’élection de Macky Sall à la présidence de la République, le Sénégal a mis en place progressivement de nombreuses initiatives, devant ouvrir la voie à la croissance. En 2013, ce sont surtout les secteurs minier et agricole qui ont reçu l’attention des dirigeants politiques et des investisseurs, conservant la première place en matière de potentiel, à court terme, de création d’emplois et de revenus.
Selon les projections du FMI, le PIB du Sénégal devrait progresser de 4,6% en 2014, contre environ 4% en 2013 et 3,5% en 2012. L’amélioration de l’économie mondiale et un environnement politique stable devraient contribuer à une accélération de la croissance, en particulier si la situation sécuritaire du Mali voisin continue à se stabiliser. La Banque Mondiale prévoit une hausse de 5% du PIB en 2015, ce qui marquerait un retour aux taux enregistrés entre 2003 et 2007.
Ces chiffres sont toutefois à relativiser car dans le même temps, la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), qui compte le Sénégal parmi ses membres, a enregistré une croissance de 7% au cours de l’année, en grande partie grâce aux solides résultats des autres pays membres, plus grands que le Sénégal, que sont le Ghana, le Nigéria et la Côte d’Ivoire, qui affichent tous des taux de croissance supérieurs à 7%, avec à la clé, une amélioration des perspectives en ce qui concerne le commerce intra régional. Un des objectifs majeurs du Sénégal devrait aussi d’être de s’inspirer des stratégies de développement de ces pays et s’investir à profiter au mieux du développement du commerce inter Africain. Nous partageons donc l’analyse de Moustapha Ndiaye représentant de la Banque Mondiale en Ouganda qui décrit ainsi les limites de la politique d’attraction des IDE au Sénégal ’’ En dépit d’une évolution favorable, les chiffres montrent les limites de la politique du Sénégal dans ses efforts d’attirer l’IDE. Des ajustements s’avèrent nécessaires pour atteindre le niveau de pays comme le Ghana, la Côte d’Ivoire ou le Maroc afin de pouvoir régler les problèmes de l’emploi auxquels fait face le Sénégal[11] ’’.
III. Une stratégie opérationnelle claire
L’attractivité d’un pays correspond à l’ensemble des capacités et potentiels détenus par ce pays et ses acteurs afin de se rendre désirable pour faire venir et retenir des hommes, entreprises, activités, événements et capitaux permettant un développement futur.
Centres régionaux de facilitation des investissements
Il conviendra de mettre en place des Centres régionaux de facilitation des investissements qui seront pilotés par des comités stratégiques de filières et seront pourvus de moyens et d’une gouvernance autonome, avec une coordination nationale par le biais de contrats d’objectifs.
Au niveau opérationnel, on a pu observer que beaucoup de pays optent pour la création d’incubateurs d’entreprises pour soutenir les entreprises souhaitant opérer sur les segments retenus comme stratégiques. Ces incubateurs aident à la création d’un entreprenariat local et peuvent avoir un pouvoir attractif sur les petites entreprises étrangères.
Amélioration de l’offre en formation
Pour s’assurer de posséder une main d’œuvre qualifiée dans les créneaux d’excellence choisis, les pays doivent développer des programmes de formation dans les domaines appropriés. La modification de l’offre en formation se traduit par l’ajout ou l’amélioration de programmes d’études, la construction ou la rénovation des infrastructures scolaires et l’achat d’équipement.
L’attraction d’activités de recherche
Pour donner une notoriété et une crédibilité à leurs créneaux d’excellence, les pays rivalisent pour réaliser ou favoriser l’implantation de centres de recherche et développement. L’ouverture de ces centres est l’activité d’adaptation la plus souvent remarquée chez les pays qui tentent de démarrer ou de dynamiser une grappe industrielle. Dans cette optique il est urgent de’’ rendre opérationnel l’ANAQ-Sup[12] en lui donnant les moyens matériels, humains, techniques et budgétaire nécessaire et de tenir compte de ses avis et recommandations relatifs à l’accréditation des diplômes et à l’habilitation des établissements[13]’’ .
Création de partenariats
Pour augmenter le potentiel attractif des centres de formation & de recherche ainsi que les interventions publiques, il conviendra de réaliser des activités de maillages du pays et des acteurs qui seront accompagnés de la mise en place de processus d’échange d’informations pour faciliter les communications entre les différents intervenants.
Sur les point b. c. et d. il est important que le Sénégal mette en œuvre les recommandations faites par la CNAES[14] dans le cadre de la réforme de l’enseignement supérieur. Il nous semble urgent de mettre en place celles ayant trait à l’offre la qualité, la recherche et l’innovation avec un engagement financier fort de l’Etat qui attestera d’une volonté politique forte dans ce domaine. L’échec de la mise en œuvre des recommandations de la CNAES dans sa partie financement des réformes à faire ne se justifierait pas vue les enjeux que soulèvent celles-ci.
Aides publiques et fiscalité
L’outil fiscal contribue à attirer des investisseurs, mais également à organiser la localisation des entreprises dans l’espace : crédits d’impôt, congés fiscaux, prêts à taux d’intérêts préférentiels, subventions ou aide à la recherche. Dans une étude du Think Tank Ipode intitulée ’’ Sénégal : Pour une nouvelle politique de développement industriel innovant ’’ les auteurs recommande Allégement du taux global de taxation sur les sociétés pour encourager à la création d’entreprise et inciter celles-ci à davantage embaucher et à investir[15].
Infrastructures et services publics
L’amélioration de la qualité de vie fait aussi partie des priorités. En s’assurant de l’efficacité des services publics, de la propreté, de la sécurité et du développement des activités de divertissement, l’Etat s’assure de l’attractivité de son pays.
IV. Un marketing territorial pertinent
a. Une compétition internationale
Avec les progrès de la mobilité, tant celle des personnes ou des capitaux que des biens et services, la concurrence entre pays pour attirer ou fixer habitants et entreprises, sources de croissance économique et d’augmentation des rentrées fiscales, est forte. L’attraction ou la rétention des activités économiques est par conséquent de plus en plus liée à des actions volontaristes de promotion menées par toutes sortes d’acteurs territoriaux engagés dans la course à la masse critique : collectivités locales, chambres de commerce et d’industrie, ministères, clusters, etc.
Cet impératif de promotion active présuppose de définir des moyens à trouver pour ces activités et des objectifs à leur fixer. Une bonne stratégie implique de faire montre d’une certaine intelligence du pays, de ses atouts et de ses faiblesses, que seul un diagnostic stratégique peut procurer ([16]).
Les phénomènes de multinationalisation des firmes suivent deux grandes logiques de déploiement. Les premières impliquent un investissement international avec transferts de capitaux : la création d’une filiale (greenfield investment), le rachat d’une entreprise existante (brownfield investment), les accords de joint-venture, et les fusions et acquisitions (F&A). Les secondes se traduisent par un déploiement international n’impliquant pas un transfert de capitaux: sous-traitance, accord de licence, accord de franchise, contrat de gestion.
Une approche combinée ciblant ces deux types d’investisseurs permettra d’obtenir les effets les plus importants.
b. Une stratégie de marketing adaptée
Malgré les différences entre les pays et les entreprises, les composantes principales des stratégies marketing demeurent semblables. Les stratégies marketing des pays sont ainsi regroupés en 4 composantes: la segmentation des marchés, l’optimisation du marketing mix, le positionnement perceptuel et l’investissement marketing.
La compréhension des aspirations du pays, de ses capacités, de sa vision et de ce qu’elle a à offrir est la première étape de l’étude de segmentation des marchés. Les pays s’attachent ensuite à comprendre les besoins des investisseurs potentiels. Ces réflexions se font généralement par une analyse de forces, faiblesse, opportunités, menaces et par l’analyse des forces de la concurrence. Les résultats de ce travail sont organisés dans un plan stratégique qui coordonnera les actions des intervenants et les alignera sur une même vision à long terme.
Par peur de se fermer des portes, les pays hésitent souvent à adopter un positionnement marketing vraiment affirmé. Nous recommandons, au contraire, à l’image de Milan et Barcelone qui font tout pour être identifiées comme « métropoles créatives », l’adoption d’un positionnement fortement marqué.
Il a été, par exemple, suggéré de positionner le Sénégal dans les activités de l’offshore ([17]). Rappelons, pour mémoire, qu’il s’agit de la délocalisation ou la relocalisation des activités de services par les entreprises du nord via des filiales/joint-ventures/rachat de sociétés. Cette délocalisation dite captive ou via des centre de production ou des sous-traitants est aussi appelée délocalisation « en sous-traitance externalisée » et elle se fait généralement vers les pays «Low Cost ».
Il nous semble également que les secteurs du tourisme et des industries créatives (culturelles, audiovisuelles, musicales,…) ainsi que celui de la Pêche/Produits de la mer/Aquaculture, méritent une attention particulière.
Interrogés par Ernst et Young pour son étude consacrée à l’attractivité de l’Afrique en 2014, les investisseurs internationaux identifient trois secteurs offrant le plus fort potentiel de croissance en Afrique au cours des deux prochaines années : l’agriculture, qui ne se classait jusqu’à présent que marginalement derrière l’industrie des mines et métaux. De plus en plus, l’économie agricole est elle aussi perçue comme une industrie de croissance vitale, au même titre que les secteurs en contact avec les consommateurs, telles que les services financiers, les télécommunications et les biens de consommation. Pour Michael Lalor, « bien que les perceptions indiquent que les secteurs reposant sur les ressources naturelles devraient continuer à montrer le potentiel le plus élevé au cours des deux prochaines années, la réalité des chiffres montre que les infrastructures et les secteurs en contact avec les consommateurs devraient gagner en importance à mesure que la classe moyenne se développe et augmente ses dépenses en biens discrétionnaires » ([18]).
V. Une Agence pour les Investissements
L’attraction des IDE se fait par le biais des agences de promotions des investissements (API), créées dans chaque pays avec un statut généralement public. Au Sénégal l’APIX est devenue depuis 2006 une société anonyme à participation publique majoritaire dénommée APIX-SA.
Une analyse de ces structures réalisées par Fabrice Hatem ([19]) propose un modèle conceptuel qui analyse le «marché» des IDE comme la rencontre d’une «demande» de sites liés aux projets d’investissements des entreprises et d’une «offre» de sites par les développeurs locaux.
Pour certains économistes, « le montage d’offres territoriales consiste à proposer à l’investisseur, en réponse à un projet déclaré, un ensemble de ressources locales correspondant le mieux possible à ses besoins de manière à l’inciter à s’implanter sur le pays concerné » ([20]). En ce sens, ils proposent donc que l’action de promotion des API cible leurs publics, et évitent les opérations «grand public» à caractère généraliste.
Deux visions semblent s’opposer dans ce domaine: l’une qui préfère le réalisme ou l’opportunisme, et l’autre qui mise sur le volontarisme et l’aménagement du pays. Quand la première mise sur des facteurs d’attractivité existants permettant de satisfaire la demande exprimée aujourd’hui, la seconde fait un pari sur l’avenir. Or, si une offre se construit bien dans le temps, elle doit néanmoins être tangible dès aujourd’hui pour être crédible. Beaucoup d’API (notamment le JIB en Jordanie) représentent un entre deux : elles se proposent d’identifier des opportunités d’affaires et de vendre des business plans prêts à l’emploi à des capitaux cherchant à s’investir. Une minorité va même jusqu’à co-investir dans des opportunités d’investissement identifiées en interne pour créer des projets greenfield locomotives (l’UEICO en Egypte), et ainsi démontrer l’existence d’un potentiel d’affaires sans attendre que la demande ne se manifeste. Une étude du Think Tank Ipode suggère fortement cette dernière approche dans le positionnement du Sénégal dans le marché de l’outsourcing où le pays a des atouts comparatifs enviables pourvoyeurs de milliers d’emplois directs et indirects[21].
Un renforcement des moyens de l’Agence pour la Promotion de Investissements permettrait de mettre un œuvre une nouvelle dynamique s’articulant autour de trois composantes, (I) l’Appui au dialogue public et privé et aux réformes du climat d’investissement, (II) l’Appui à l’entreprenariat et à la promotion de l’investissement ; une troisième composante (III) dédiée à la Gestion, la coordination et l’évaluation du projet.
4. Conclusion
Toute stratégie de compétitivité du pays afin de favoriser les investissements notamment étrangers restera vaine si certains obstacles ne sont pas levés. On pense ici à la corruption, la non application des lois et règlements par les institutions et les acteurs de la société civile, la non efficacité du système judiciaire…
Notons toutefois le caractère subsidiaire de ces paramètres. Des travaux universitaires ont clairement montré que les flux d’IDE ne sont significativement corrélés ni avec le fonctionnement démocratique des institutions politiques, ni avec l’efficacité de l’administration, ni avec le respect des lois, ni avec la stabilité politique, ni avec la liberté de fonctionnement des marchés, ni même avec la corruption ([22]). Contrairement à ce qu’en pense la « sagesse commune », les investisseurs internationaux ne font pas de la « bonne gouvernance » un critère majeur de leurs décisions de localisation des IDE.
Ces dysfonctionnements reflètent la non-efficacité des institutions dans les Pays en Développement, retardent l’application des réformes économiques et de ce fait repoussent l’investissement.
En outre, au-delà des variables reflétant un environnement général favorable aux affaires, les investisseurs se préoccupent de la stabilité politique et économique du pays. Il est difficile de dissocier les deux. La stabilité économique ne peut être assurée dans un climat de forte tension politique ou en situation de conflit comme en Centrafrique ou au Mali où la situation revient petit à petit à la normale. En revanche la stabilité politique n’implique pas nécessairement la stabilité économique.
Le Sénégal bénéficie aujourd’hui d’un contexte de stabilité qui est favorable à une stratégie de croissance qui pourra se baser sur le PSE qui se confrontera au défi récurrent de mise en œuvre. Pour autant, il faut se montrer attentifs aux multiples menaces de déstabilisation qui gagnent la zone et notamment la situation au Mali voisin ([23]) conjugué avec l’existence d’une crise de basse intensité en Casamance qui pourrait évoluer en crise de haute intensité tant la corruption gangrène la gestion de ce dossier au sommet de l’état. L’affaissement progressif de l’élite sénégalaise, en atteste les dernières révélations du colonel Abdoulaye Aziz Ndao dans son ouvrage intitulé ‘’Pour l’honneur de la Gendarmerie sénégalaise’’ dans lequel il accuse la Gendarmerie Nationale d’actes de corruption et de malversations, est un fait nouveau majeur dans l’évolution du pays et dans la fiabilité de ses services de sécurité de celui-ci.
[1] Investissements Directs Etrangers
[2] http://www.foreignpolicy.com/articles/2013/05/06/investing_overseas_baseline_profitability_index
[3] Commission Nationale de Réforme des Institutions
[4] AFRIQUE: Attraction des Investissements Directs Etrangers – sur http://terangaweb.com/afrique-attraction-investissement-directs-etrangers/
[5] Morisset, J. (2000), “Foreign Direct Investment in Africa: Policies Also Matter,” Transnational Corporations 9 (2): 107‐25
[6] Voir le Rapport mondial sur les investissements (CNUCED) – http://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/wir2013overview_fr.pdf
[7] http://www.sen24heures.com/spip.php?article2988
[8] http://lentrepreneuriat.net/business-newsle-milliardaire-ali-dangote-estime-que-les-s-n-galais-roulent-pour-la-france
[9] Abdoulaye FALL – « Pour un Etat stratège : Eléments d’une refondation de la planification au Sénégal (2014) – http://www.sudonline.sn/pour-un-etat-stratege–elements-d-une-refondation-de-la-planification-au-senegal_a_19285.html
[10] North D. C., J.J. Wallis et B.R. Weingast [2006], « A Conceptual Framework for Interpreting Recorded Human History », NBER Working Paper No. 12795.
[11] http://www.deremderem.com/2011/10/16/l%E2%80%99investissement-direct-etranger-au-senegal/
[12] Autorité nationale d’assurance qualité de l’enseignement supérieur
[13] Recommandation 61 de la CNAES http://www.cnaes.sn/images/docs/cnaes_rapport_general.pdf
[14] Concertation Nationale pour l’Avenir de l’Enseignement supérieur au Sénégal
[15] http://thinktank-ipode.org/2013/10/21/senegal-pour-une-nouvelle-politique-de-developpement-industriel-innovant/
[16] Voir les travaux d’AMINA sur le marketing territorial : http://www.animaweb.org/investir_module-3.php
[17] LY Mohamed (Think Tank IPODE) – L’Offshoring une piste sérieuse pour un marché de milliers d’emplois au Sénégal – http://thinktank-ipode.org/2013/02/26/loffshoring-une-piste-serieuse-pour-un-marche-demplois-davenir/
[18] http://afriqueinside.com/economie/afrique-part-capitaux-intra-africains-les-ied-en-hausse/
[19] Fabrice Hatem – « Investissement international et politiques d’attractivité » -
Economica, 2004, Paris
[20] Wells. L.T et Wint. A.G – « Revisiting marketing a country, promotion as a tool for attracting foreign direct investment – FIAS, IFC and World bank, 1999, Washington DC
[21] http://thinktank-ipode.org/2013/02/26/loffshoring-une-piste-serieuse-pour-un-marche-demplois-davenir/
[22] Nicolas MEISEL et Jacques OULD AOUDIA – « La « Bonne Gouvernance » est-elle une Bonne Stratégie de Développement ? » – Les Documents de Travail de la DGTPE – n° 2007/11 – Novembre 2007
[23] Mouhamed EL HADY BA et Pierre Amath Mbaye (think tank IPODE) – « La crise malienne et ses leçons pour le Sénégal » (2013) – http://thinktank-ipode.org/2013/02/22/la-crise-malienne-et-ses-lecons-pour-le-senegal/
12 commentaires
Félicitations ipode ! Une diplomatie économique performante (et non une diplomatie de prestige) se mesure aussi par la capacité du pays concerné à attirer les IDE!
Merci Pape Sadio, votre remarque est pertinente sur la diplomatie économique, et c’est l’une des raisons qui nous a poussé à nous appesantir sur le sujet
Trés bonne initiative et j´ai bien apprécié le document qui a une ressemblance avec certaines idées de mon ouvrage. Félicitations et surtout du courage, je préfére des reflexions á la place du bavardage.
Merci Souleymane ! le crédo de Ipode est : Vive le débat !
Excellent travail car partant d’analyse approfondie de plusieurs indicateurs économiques et politiques combinés qui peuvent être des solutions efficaces, efficientes et performantes pour notre jeune nation. Ce document est un mémoire sur les stratégies économiques nationales à mettre oeuvre pour notre émergence.
Mr Tall, votre soutien et votre implication dans le débat public au Sénégal et sur l’Afrique est trés apprécié de nous aussi. Merci pour vos propos que nous prenons comme des encouragements
Bonjour Monsieur Ly j’ai pu lire hier quelques lignes du rapport présenté par mr Payet. C’est très pertinent comme étude. J’ai eu à travailler pour mon mémoire de master sur la sécurisation des investissements dans l’espace ohada et j’ai consacré une partie sur l’investissement direct étranger. l’efficacité économique du droit est un grand déterminant pour ce qui concerne les IDE et aussi la stabilité sociale. Je me ferai un immense plaisir de partager avec vous après étude exhaustive du rapport quelques éléments. Merci,
cordialement.
Mr Senghor,
On vous remercie de votre intérêt et de votre initiative, en collaboration avec l’auteur on vous contactera directement pour ouvrir de nouvelles pistes de réflexion sur la question dans le cadre d’une collaboration étroite.
Cordialement
je trouve l’article très intéressant je vous en félicite.
monsieur Senghor, j’ai su comprendre que vous avez écrit votre me moire sur la securisation des investissements, serait il possible d’avoir le document? je suis actuellement à la CNUCED à Genève et je fais des recherches sur les investissements au Sénégal.
encore bravo à l’équipe de Ipode.
EXCELLENT TRAVAIL DE RECHERCHE ET D’ANALYSE! BONNE CONTINUATION ET REUSSITE!
Merci Mr Samb pour votre amabilité et votre générosité, bientôt nos deux structures pourront collaborer pour de nouvelles perspectives d’analyse et de recherche commune.
Vivement la mise en place de tout ça !
je salue la pertinence de l’article. Il est bien documenté et bien renseigné. On a besoin de tels documents pour éveiller un sursaut d’envergure car ma conviction est que de telles communications doivent toucher le plus grands nombre possible. C’est très encouragent que des fils de l’Afrique mettent les pieds dans le plat et posent les vrais débats. merci.