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Propositions de la CNRI : privilégier largement l’appel de la Patrie

Par Moha

mody niangLe samedi 15 mars 2014, IPODE a organisé, à l’ENDSS, un forum autour du thème : « Réforme des institutions: fondamentaux, convergences et divergences autour du rapport de la CNRI. » Cette initiative, heureuse, est à encourager. Il convient de signaler que ce n’était pas là la première initiative de IPODE au Sénagal. Elle en a organisé de nombreuses autres, sans compter les contributions écrites pertinentes de ses différents membres sur les questions d’intérêt national. Il serait souhaitable que leur exemple fasse tâche d’huile auprès d’autres organisations de la société civile, de partis politiques, etc. En particulier, de nombreux autres forums devraient être organisés autour des conclusions de la Commission nationale de Réforme des Institutions (CNRI) qui ont fait l’objet de réactions, de commentaires qui ne se sont pas fait attendre. Des observateurs se sont d’ailleurs posé des questions devant la précocité de ces réactions dont nombre d’entre elles étaient teintées de confusion et d’amalgames.

Pour la clarté des futurs débats, il ne serait pas superflu de faire un rappel, particulièrement de certains événements marquants qui ont précédé la mise en place de la CNRI et qui l’éclairent. Je m’y suis d’ailleurs employé dans mon intervention au Forum de samedi dernier, convaincu que je suis, en vieux pédagogue, que le rappel est pédagogique. J’ai aussi appelé à la rescousse l’ancien président Senghor qui aimait à rappeler que « quand on a fait l’historique d’un problème, on l’a à moitié résolu ».

Nous n’avons certainement pas encore oublié les combats âpres que nous avons menés pendant les douze longues années de la gouvernance des Wade. Ces combats ont connu plus d’intensité encore au cours de l’année 2011 et, en particulier, après ce fameux 23 juin de la même année. Nous concentrions en priorité nos tirs sur l’hypertrophie de la fonction présidentielle, la faiblesse de notre Assemblée nationale qui était carrément aux ordres de l’Exécutif, le discrédit réel ou supposé de nos institutions judiciaires, l’impunité, la très mauvaise gestion de nos maigres ressources nationales, etc.

Nos gouvernants de l’époque exceptés, ces combats étaient portés par toute l’opposition et une partie importante de la société civile. L’actuel Président de la République, alors candidat, les a portés avec nous. La réforme des institutions, forte demande sociale, figurait en bonne place dans son programme « Yoonu yokkute ».

Ce même candidat Sall a signé sans réserve – j’étais là – la Charte de gouvernance démocratique des Assises nationales. Il s’était aussi engagé, devant le Comité national de Pilotage des Assises – j’étais encore là – à en appliquer les conclusions en cas de victoire.

Une fois élu, il reçoit le Directoire national desdites Assises (j’en suis membre) et réitère sa volonté d’en appliquer les conclusions, avec des réserves, cette fois-ci, sur certaines dispositions qu’il n’a pas déclinées. Il s’est engagé ensuite à institutionnaliser les Assises nationales et, dans cette perspective, a annoncé la mise en place rapide d’une commission chargée du suivi de l’application desdites conclusions. Il laissera aussi entendre qu’il réfléchissait sur la création d’une commission nationale chargée de travailler sur la réforme des institutions.

Quelques mois après, le 14 septembre 2012 exactement, à l’occasion de la Journée nationale des Institutions, il annonce officiellement et publiquement son intention de créer ladite Commission et son choix porté sur la personne de Monsieur Amadou Mahtar Mbow, président des Assises nationales, pour en assurer la présidence.

Une lettre en date du 28 novembre 2012 officialisait cette nomination. Dans cette lettre, le Président de la République « louait la sagesse et la maturité du peuple sénégalais, mais aussi et surtout son attachement profond aux principes et valeurs universels de la démocratie et de la paix ». Il y estimait, en outre, que « le  message du peuple sénégalais était clair en ce qu’il exprimait à la fois, le rejet d’une certaine façon de gouverner et l’espoir d’une nouvelle gouvernance, efficace, sobre et vertueuse, porteuse de transformations socio-économiques profondes et de changements significatifs dans son  vécu quotidien ».

En particulier, il invitait  le président Mbow à « organiser une large concertation nationale sur les réformes à mettre en œuvre à court, moyen et long terme, pourdoter le pays d’une armature institutionnelle moderne, à la mesure de son ambition de devenir et de rester une grande nation de démocratie ». Et le président Sall allait plus loin encore en précisant que les propositions que la concertation aurait à lui soumettre devraient  notamment  prendre en charge les problématiques suivantes :

–         Le recentrage de l’Etat autour de ses missions régaliennes ;

–         La consolidation de l’Etat de droit ;

–         L’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire ;

–         Le renforcement de l’indépendance de la justice ;

–         L’approfondissement de la démocratie représentative et participative ;

–         Le renforcement de la protection des libertés publiques ;

–         Le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration;

–         La territorialisation des politiques publiques ;

–         La protection des valeurs positives de notre société ;

–         La promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité ;

–         La stabilité institutionnelle.

Le Président de la République invitait ensuite le président Mbow à veiller à ce que « la concertation soit large, participative, inclusive, démocratique et ouverte à tous les segments de notre société : acteurs politiques de la majorité comme de l’opposition, société civile, secteur privé, Etat, collectivités  locales et ordres religieux, etc. » La concertation « devra (aussi) s’appuyer sur les principes et orientations du programme de « Yoonu yokkute » et s’inspirer fortement des conclusions des Assises nationales et, en particulier, de la Charte de gouvernance démocratique ».

Le lecteur qui souhaiterait avoir plus d’informations encore sur la commande du Président de la République peut se reporter à la Conférence de presse du président Mbow du 18 juin 2013. Il y a été particulièrement exhaustif.

Donc, c’est avec, en bandoulière ces termes de référence précis et sans équivoque, généralement confirmés dans le Décret n° 2013-730 du 28 mai 2013 que le président Mbow se mit  au travail avec les autres membres de la Commission, s’appuyant sur un document phare portant « éléments d’orientation de méthodologie de mise en œuvre ». Onze mois après, le 13 février 2014, ils remettent entre les mains du Président de la République les conclusions de leurs travaux sous forme de deux documents. Les commentaires ne se sont pas alors fait attendre. Des morveux et des morveuses, qui ont de la peine à se souvenir de leur dîner de la veille, traitent le pauvre Amadou Mahtar Mbow de tous les noms d’oiseaux. Il ne serait même pas Sénégalais ou, même s’il l’est, ignore tout du pays. Quelqu’un est allé jusqu’à le considérer comme un « Guadeloupéen ». Quelle hérésie !

Amadou Mahtar Mbow est un homme discret, modeste, qui n’aime surtout pas qu’on parle de lui à travers les médias. Je ne m’étendrai donc pas sur sa longue et brillante carrière professionnelle, au service de son pays. Je sais, en tout cas, pour avoir été son élève et l’avoir côtoyé pendant au moins quatre ans dans le cadre des Assises nationales, qu’il est bien plus Sénégalais que les ignorants qui lui dénient sa « sénégalité ». Il est aussi grand Sénégalais que les Mamadou Dia, Ibrahima Sarr, Abdoulaye Ly, Cheikh Anta Diop et autres. Âgé de plus de 90 ans, il n’a jamais hésité à répondre de façon strictement désintéressée à l’appel de la Patrie. Il mérite largement qu’on lui tresse des lauriers.

Pour revenir aux réactions épidermiques qui ont accueilli le dépôt des conclusions de la CNRI, je ne m’y attarderai pas outre mesure. Je ne pourrais pas, par contre, passer sous silence celles de compatriotes qui ne sont pas nés de la dernière pluie. Ma grande surprise a été, notamment, de constater que le Pr Ismaïla Madior Fall, Ministre conseiller spécial du Président de la République chargé des questions juridiques, était de la partie. En l’écoutant surtout – je l’ai attentivement écouté et j’ai lu son interview à « L’Observateur » du 17 février 2014 –, on avait l’impression qu’en remettant les documents au Président de la République, le président Mbow lui avait pointé un pistolet sur la tempe, pour lui signifier l’ordre d’accepter toutes les conclusions et de les appliquer.

Comment peut-on demander au Président de la République de mettre en place un gouvernement de 25 membres, alors que son gouvernement compte plus de trente membres ? C’est lui demander de se séparer de 5 à 6 de ses ministres ! Comment peut-on lui  demander de démissionner de son poste de président de parti, alors qu’il prépare un second mandat ? Voilà quelques questions que le Pr Fall s’est posées. Il s’est même permis de tourner en dérision la proposition d’appels à candidatures pour les différentes nominations.

Les interrogations du Professeur avaient curieusement cette allure de faire croire que le Président de la République avait le couteau à la gorge et n’avait d’autres choix que d’appliquer intégralement et illico les conclusions qui lui étaient soumises. Or, tout le monde sait qu’il n’en est rien. Le Président de la République a commandité des réformes, des conclusions lui ont été soumises. C’est à lui, et à lui seul qu’il appartient d’en prendre connaissance et d’en retenir ce qu’il juge pertinent. D’ailleurs, il a déclaré de la lointaine Chine, qu’il en prendrait ce qu’il juge bon. Bon pour qui ? Pour le peuple ou pour lui et sa majorité ?

Le Pr Fall sait surtout que cette proposition de démissionner de la tête de son parti n’est pas applicable immédiatement et que, si elle était d’aventure retenue, elle ne le serait qu’en 2017. Il sait, en particulier, que les partis politiques ne sont pas déterminants dans une élection présidentielle. Lors du meeting qu’ils ont organisé le 23 juillet 2011 sur l’ancienne piste, un gros responsable libéral estimait le nombre de militants présents 4 millions de militants, sans compter la longue file de « Ndiaga Ndiaye » dont la queue se situait aux alentours du Rond Point de la Case de Cambérène, et qui ne pouvaient pas accéder au lieu du rassemblement. Où était tout ce beau monde le 25 mars 2012 ?

Les deux plus grands partis en France, le PS et l’UMP, ne totaliseraient pas, à eux deux, plus de 600000 militants (et encore !), sur une population 66 millions d’habitants. Ce sont, en réalité, les citoyens  hors des partis qui donnent le pouvoir. Et ils le font sur la base d’un bilan convaincant. La massification et la mobilisation des partis, avec leur cortège de folklore, de népotisme, de clientélisme, de guerres ouvertes ou larvées autour de prébendes,  sont carrément dérisoires.

Je rappelle un passage du discours du Président de la République à la 7ème Réunion du Groupe consultatif de Paris : « (…) C’est le sens de la déclaration de patrimoine que j’ai faite après mon élection, et de la réforme institutionnelle que j’ai initiée, pour mettre notre système démocratique aux standards internationaux les plus exigeants, dans la stabilité et la modernité des Institutions républicaines (…) ». Dans les grandes démocraties, qui sont au niveau de ces standards internationaux, les chefs d’Etat et de gouvernement ne sont pas à la tête de partis : ils ont bien d’autres chats à fouetter. Je m’étonne donc que le Pr Fall défende le cumul de la fonction présidentielle avec celle de président de parti avec autant de conviction. Ce n’est sûrement pas l’APR, même alliée à d’autres partis ou coalitions de partis, qui assurera au président Sall un second mandat.

C’est du Pr Fall que j’ai appris le nombre de ministres  de gouvernements restreints de pays comme les USA et le Japon qu’il nous présentait comme pertinent. Je comprends donc difficilement qu’il plaide aujourd’hui pour un gouvernement de plus de trente membres, surtout que le candidat Sall s’était engagé à mettre en place, une fois élu, un gouvernement de 25 membres au plus.

Je précise que je ne suis pas en désaccord avec le Professeur sur tout. En particulier, je suis comme lui réservé par rapport à cette proposition d’appels à candidatures pour toutes les nominations. Je partage, par contre, la proposition, si elle concerne certaines directions et agences stratégiques, comme le Port autonome de Dakar, la Direction générale des Douanes, la Direction générale des Impôts et Domaines, etc.

Enfin, je comprends le Pr Fall quand il justifie certaines de ses positions par le contexte qui a changé. Oui, le contexte a changé : le candidat Sall est devenu Président de la République, le Professeur ministre conseiller spécial.

Si ce texte n’était pas déjà long, j’exprimerais et développerais mon désaccord total par rapport aux positions curieuses et radicales d’un autre Professeur, Monsieur Moustapha Kassé, aussi bien sur les documents de la CNRI que sur ceux des Assises nationales, qu’il n’a probablement jamais lus. Sinon, il ne les aurait jamais qualifiés de faibles avec autant d’aplomb.

La Constitution jusqu’ici en vigueur au Sénégal, en tout cas depuis le 7 mars 1963, fait du Président de la République un Buur et un Bummi qui écrase, par ses pouvoirs exorbitants, tous les autres pouvoirs. Il a droit de vie et de mort sur tous les citoyens, sur tous ses sujets. C’est cette hypertrophie de la fonction présidentielle que l’écrasante majorité du peuple sénégalais a formellement rejetée. Après deux alternances exemplaires par les urnes, cette hypertrophie doit céder la place à un équilibre harmonieux des pouvoirs. C’est à cet objectif que s’est employée la CNRI, sur commande du Président de la République. Elle lui a soumis des propositions, fruit d’un travail extrêmement sérieux. Celles-ci ne sont certainement pas parfaites, la perfection n’étant pas de ce monde. Elles ne sont non plus ni le Coran, ni la Bible et ne prétendent pas faire l’unanimité. Elles contiennent, cependant, suffisamment de dispositions autour desquelles peut se faire le consensus, pour bâtir des institutions équilibrées,  fortes, impersonnelles, véritablement démocratiques, intégrant directement nos droits économiques et sociaux, la transparence dans la gestion des affaires publiques, et s’inscrivant surtout dans la durée. Ce n’est point surcharger la Constitution que d’y intégrer des questions aussi importantes et d’y verrouiller le nombre de ministres, de membres du bureau de l’Assemblée nationale, etc. Celle-ci ne prendra jamais l’initiative de changer son règlement intérieur pour diminuer ses avantages exorbitants. Au contraire, elle les augmente. Même le nombre de députés, pour le travail qu’ils font, aurait pu être plafonné à cent (100).

Le Président de la République  a pris des engagements solennels avant et après le 25 mars 2012.  Il n’est plus seulement le candidat Macky Sall. Il est devenu le père de la Nation, le président de tous les Sénégalais, la clé de voute de nos institutions. Le devoir lui incombe de respecter rigoureusement ses engagements  et, en particulier, de privilégier largement l’appel de la Patrie. Celui de son parti, dérisoire, l’éloigne de l’essentiel, c’est-à-dire de l’intérêt supérieur de la Nation.

Dakar, le 14 mars 2014

Mody Niang, e-mail : modyniang@arc.sn

 

 

 

 

 

Propositions de la CNRI : privilégier largement l’appel de la Patrie

Le samedi 15 mars 2014, IPODE a organisé, à l’ENDSS, un forum autour du thème : « Réforme des institutions: fondamentaux, convergences et divergences autour du rapport de la CNRI. » Cette initiative, heureuse, est à encourager. Il convient de signaler que ce n’était pas là la première initiative de IPODE au Sénagal. Elle en a organisé de nombreuses autres, sans compter les contributions écrites pertinentes de ses différents membres sur les questions d’intérêt national. Il serait souhaitable que leur exemple fasse tâche d’huile auprès d’autres organisations de la société civile, de partis politiques, etc. En particulier, de nombreux autres forums devraient être organisés autour des conclusions de la Commission nationale de Réforme des Institutions (CNRI) qui ont fait l’objet de réactions, de commentaires qui ne se sont pas fait attendre. Des observateurs se sont d’ailleurs posé des questions devant la précocité de ces réactions dont nombre d’entre elles étaient teintées de confusion et d’amalgames.

Pour la clarté des futurs débats, il ne serait pas superflu de faire un rappel, particulièrement de certains événements marquants qui ont précédé la mise en place de la CNRI et qui l’éclairent. Je m’y suis d’ailleurs employé dans mon intervention au Forum de samedi dernier, convaincu que je suis, en vieux pédagogue, que le rappel est pédagogique. J’ai aussi appelé à la rescousse l’ancien président Senghor qui aimait à rappeler que « quand on a fait l’historique d’un problème, on l’a à moitié résolu ».

Nous n’avons certainement pas encore oublié les combats âpres que nous avons menés pendant les douze longues années de la gouvernance des Wade. Ces combats ont connu plus d’intensité encore au cours de l’année 2011 et, en particulier, après ce fameux 23 juin de la même année. Nous concentrions en priorité nos tirs sur l’hypertrophie de la fonction présidentielle, la faiblesse de notre Assemblée nationale qui était carrément aux ordres de l’Exécutif, le discrédit réel ou supposé de nos institutions judiciaires, l’impunité, la très mauvaise gestion de nos maigres ressources nationales, etc.

Nos gouvernants de l’époque exceptés, ces combats étaient portés par toute l’opposition et une partie importante de la société civile. L’actuel Président de la République, alors candidat, les a portés avec nous. La réforme des institutions, forte demande sociale, figurait en bonne place dans son programme « Yoonu yokkute ».

Ce même candidat Sall a signé sans réserve – j’étais là – la Charte de gouvernance démocratique des Assises nationales. Il s’était aussi engagé, devant le Comité national de Pilotage des Assises – j’étais encore là – à en appliquer les conclusions en cas de victoire.

Une fois élu, il reçoit le Directoire national desdites Assises (j’en suis membre) et réitère sa volonté d’en appliquer les conclusions, avec des réserves, cette fois-ci, sur certaines dispositions qu’il n’a pas déclinées. Il s’est engagé ensuite à institutionnaliser les Assises nationales et, dans cette perspective, a annoncé la mise en place rapide d’une commission chargée du suivi de l’application desdites conclusions. Il laissera aussi entendre qu’il réfléchissait sur la création d’une commission nationale chargée de travailler sur la réforme des institutions.

Quelques mois après, le 14 septembre 2012 exactement, à l’occasion de la Journée nationale des Institutions, il annonce officiellement et publiquement son intention de créer ladite Commission et son choix porté sur la personne de Monsieur Amadou Mahtar Mbow, président des Assises nationales, pour en assurer la présidence.

Une lettre en date du 28 novembre 2012 officialisait cette nomination. Dans cette lettre, le Président de la République « louait la sagesse et la maturité du peuple sénégalais, mais aussi et surtout son attachement profond aux principes et valeurs universels de la démocratie et de la paix ». Il y estimait, en outre, que « le  message du peuple sénégalais était clair en ce qu’il exprimait à la fois, le rejet d’une certaine façon de gouverner et l’espoir d’une nouvelle gouvernance, efficace, sobre et vertueuse, porteuse de transformations socio-économiques profondes et de changements significatifs dans son  vécu quotidien ».

En particulier, il invitait  le président Mbow à « organiser une large concertation nationale sur les réformes à mettre en œuvre à court, moyen et long terme, pourdoter le pays d’une armature institutionnelle moderne, à la mesure de son ambition de devenir et de rester une grande nation de démocratie ». Et le président Sall allait plus loin encore en précisant que les propositions que la concertation aurait à lui soumettre devraient  notamment  prendre en charge les problématiques suivantes :

–         Le recentrage de l’Etat autour de ses missions régaliennes ;

–         La consolidation de l’Etat de droit ;

–         L’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire ;

–         Le renforcement de l’indépendance de la justice ;

–         L’approfondissement de la démocratie représentative et participative ;

–         Le renforcement de la protection des libertés publiques ;

–         Le renforcement de la décentralisation et de la déconcentration;

–         La territorialisation des politiques publiques ;

–         La protection des valeurs positives de notre société ;

–         La promotion de la bonne gouvernance, de la transparence et de l’éthique dans la gestion des affaires publiques ainsi que la culture de l’imputabilité ;

–         La stabilité institutionnelle.

Le Président de la République invitait ensuite le président Mbow à veiller à ce que « la concertation soit large, participative, inclusive, démocratique et ouverte à tous les segments de notre société : acteurs politiques de la majorité comme de l’opposition, société civile, secteur privé, Etat, collectivités  locales et ordres religieux, etc. » La concertation « devra (aussi) s’appuyer sur les principes et orientations du programme de « Yoonu yokkute » et s’inspirer fortement des conclusions des Assises nationales et, en particulier, de la Charte de gouvernance démocratique ».

Le lecteur qui souhaiterait avoir plus d’informations encore sur la commande du Président de la République peut se reporter à la Conférence de presse du président Mbow du 18 juin 2013. Il y a été particulièrement exhaustif.

Donc, c’est avec, en bandoulière ces termes de référence précis et sans équivoque, généralement confirmés dans le Décret n° 2013-730 du 28 mai 2013 que le président Mbow se mit  au travail avec les autres membres de la Commission, s’appuyant sur un document phare portant « éléments d’orientation de méthodologie de mise en œuvre ». Onze mois après, le 13 février 2014, ils remettent entre les mains du Président de la République les conclusions de leurs travaux sous forme de deux documents. Les commentaires ne se sont pas alors fait attendre. Des morveux et des morveuses, qui ont de la peine à se souvenir de leur dîner de la veille, traitent le pauvre Amadou Mahtar Mbow de tous les noms d’oiseaux. Il ne serait même pas Sénégalais ou, même s’il l’est, ignore tout du pays. Quelqu’un est allé jusqu’à le considérer comme un « Guadeloupéen ». Quelle hérésie !

Amadou Mahtar Mbow est un homme discret, modeste, qui n’aime surtout pas qu’on parle de lui à travers les médias. Je ne m’étendrai donc pas sur sa longue et brillante carrière professionnelle, au service de son pays. Je sais, en tout cas, pour avoir été son élève et l’avoir côtoyé pendant au moins quatre ans dans le cadre des Assises nationales, qu’il est bien plus Sénégalais que les ignorants qui lui dénient sa « sénégalité ». Il est aussi grand Sénégalais que les Mamadou Dia, Ibrahima Sarr, Abdoulaye Ly, Cheikh Anta Diop et autres. Âgé de plus de 90 ans, il n’a jamais hésité à répondre de façon strictement désintéressée à l’appel de la Patrie. Il mérite largement qu’on lui tresse des lauriers.

Pour revenir aux réactions épidermiques qui ont accueilli le dépôt des conclusions de la CNRI, je ne m’y attarderai pas outre mesure. Je ne pourrais pas, par contre, passer sous silence celles de compatriotes qui ne sont pas nés de la dernière pluie. Ma grande surprise a été, notamment, de constater que le Pr Ismaïla Madior Fall, Ministre conseiller spécial du Président de la République chargé des questions juridiques, était de la partie. En l’écoutant surtout – je l’ai attentivement écouté et j’ai lu son interview à « L’Observateur » du 17 février 2014 –, on avait l’impression qu’en remettant les documents au Président de la République, le président Mbow lui avait pointé un pistolet sur la tempe, pour lui signifier l’ordre d’accepter toutes les conclusions et de les appliquer.

Comment peut-on demander au Président de la République de mettre en place un gouvernement de 25 membres, alors que son gouvernement compte plus de trente membres ? C’est lui demander de se séparer de 5 à 6 de ses ministres ! Comment peut-on lui  demander de démissionner de son poste de président de parti, alors qu’il prépare un second mandat ? Voilà quelques questions que le Pr Fall s’est posées. Il s’est même permis de tourner en dérision la proposition d’appels à candidatures pour les différentes nominations.

Les interrogations du Professeur avaient curieusement cette allure de faire croire que le Président de la République avait le couteau à la gorge et n’avait d’autres choix que d’appliquer intégralement et illico les conclusions qui lui étaient soumises. Or, tout le monde sait qu’il n’en est rien. Le Président de la République a commandité des réformes, des conclusions lui ont été soumises. C’est à lui, et à lui seul qu’il appartient d’en prendre connaissance et d’en retenir ce qu’il juge pertinent. D’ailleurs, il a déclaré de la lointaine Chine, qu’il en prendrait ce qu’il juge bon. Bon pour qui ? Pour le peuple ou pour lui et sa majorité ?

Le Pr Fall sait surtout que cette proposition de démissionner de la tête de son parti n’est pas applicable immédiatement et que, si elle était d’aventure retenue, elle ne le serait qu’en 2017. Il sait, en particulier, que les partis politiques ne sont pas déterminants dans une élection présidentielle. Lors du meeting qu’ils ont organisé le 23 juillet 2011 sur l’ancienne piste, un gros responsable libéral estimait le nombre de militants présents 4 millions de militants, sans compter la longue file de « Ndiaga Ndiaye » dont la queue se situait aux alentours du Rond Point de la Case de Cambérène, et qui ne pouvaient pas accéder au lieu du rassemblement. Où était tout ce beau monde le 25 mars 2012 ?

Les deux plus grands partis en France, le PS et l’UMP, ne totaliseraient pas, à eux deux, plus de 600000 militants (et encore !), sur une population 66 millions d’habitants. Ce sont, en réalité, les citoyens  hors des partis qui donnent le pouvoir. Et ils le font sur la base d’un bilan convaincant. La massification et la mobilisation des partis, avec leur cortège de folklore, de népotisme, de clientélisme, de guerres ouvertes ou larvées autour de prébendes,  sont carrément dérisoires.

Je rappelle un passage du discours du Président de la République à la 7ème Réunion du Groupe consultatif de Paris : « (…) C’est le sens de la déclaration de patrimoine que j’ai faite après mon élection, et de la réforme institutionnelle que j’ai initiée, pour mettre notre système démocratique aux standards internationaux les plus exigeants, dans la stabilité et la modernité des Institutions républicaines (…) ». Dans les grandes démocraties, qui sont au niveau de ces standards internationaux, les chefs d’Etat et de gouvernement ne sont pas à la tête de partis : ils ont bien d’autres chats à fouetter. Je m’étonne donc que le Pr Fall défende le cumul de la fonction présidentielle avec celle de président de parti avec autant de conviction. Ce n’est sûrement pas l’APR, même alliée à d’autres partis ou coalitions de partis, qui assurera au président Sall un second mandat.

C’est du Pr Fall que j’ai appris le nombre de ministres  de gouvernements restreints de pays comme les USA et le Japon qu’il nous présentait comme pertinent. Je comprends donc difficilement qu’il plaide aujourd’hui pour un gouvernement de plus de trente membres, surtout que le candidat Sall s’était engagé à mettre en place, une fois élu, un gouvernement de 25 membres au plus.

Je précise que je ne suis pas en désaccord avec le Professeur sur tout. En particulier, je suis comme lui réservé par rapport à cette proposition d’appels à candidatures pour toutes les nominations. Je partage, par contre, la proposition, si elle concerne certaines directions et agences stratégiques, comme le Port autonome de Dakar, la Direction générale des Douanes, la Direction générale des Impôts et Domaines, etc.

Enfin, je comprends le Pr Fall quand il justifie certaines de ses positions par le contexte qui a changé. Oui, le contexte a changé : le candidat Sall est devenu Président de la République, le Professeur ministre conseiller spécial.

Si ce texte n’était pas déjà long, j’exprimerais et développerais mon désaccord total par rapport aux positions curieuses et radicales d’un autre Professeur, Monsieur Moustapha Kassé, aussi bien sur les documents de la CNRI que sur ceux des Assises nationales, qu’il n’a probablement jamais lus. Sinon, il ne les aurait jamais qualifiés de faibles avec autant d’aplomb.

La Constitution jusqu’ici en vigueur au Sénégal, en tout cas depuis le 7 mars 1963, fait du Président de la République un Buur et un Bummi qui écrase, par ses pouvoirs exorbitants, tous les autres pouvoirs. Il a droit de vie et de mort sur tous les citoyens, sur tous ses sujets. C’est cette hypertrophie de la fonction présidentielle que l’écrasante majorité du peuple sénégalais a formellement rejetée. Après deux alternances exemplaires par les urnes, cette hypertrophie doit céder la place à un équilibre harmonieux des pouvoirs. C’est à cet objectif que s’est employée la CNRI, sur commande du Président de la République. Elle lui a soumis des propositions, fruit d’un travail extrêmement sérieux. Celles-ci ne sont certainement pas parfaites, la perfection n’étant pas de ce monde. Elles ne sont non plus ni le Coran, ni la Bible et ne prétendent pas faire l’unanimité. Elles contiennent, cependant, suffisamment de dispositions autour desquelles peut se faire le consensus, pour bâtir des institutions équilibrées,  fortes, impersonnelles, véritablement démocratiques, intégrant directement nos droits économiques et sociaux, la transparence dans la gestion des affaires publiques, et s’inscrivant surtout dans la durée. Ce n’est point surcharger la Constitution que d’y intégrer des questions aussi importantes et d’y verrouiller le nombre de ministres, de membres du bureau de l’Assemblée nationale, etc. Celle-ci ne prendra jamais l’initiative de changer son règlement intérieur pour diminuer ses avantages exorbitants. Au contraire, elle les augmente. Même le nombre de députés, pour le travail qu’ils font, aurait pu être plafonné à cent (100).

Le Président de la République  a pris des engagements solennels avant et après le 25 mars 2012.  Il n’est plus seulement le candidat Macky Sall. Il est devenu le père de la Nation, le président de tous les Sénégalais, la clé de voute de nos institutions. Le devoir lui incombe de respecter rigoureusement ses engagements  et, en particulier, de privilégier largement l’appel de la Patrie. Celui de son parti, dérisoire, l’éloigne de l’essentiel, c’est-à-dire de l’intérêt supérieur de la Nation.

Dakar, le 14 mars 2014

Mody Niang, e-mail : modyniang@arc.sn

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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