La presse en ligne de notre pays a repris amplement une interpellation d’un patron français vers notre patronat. Le titre provocateur de cette confidence est ‘’ Le patronat sénégalais quémande l’aide de l’Etat et n’a pas créé 2500 emplois en 14 ans’’. Je me suis intéressé à cette déclaration d’autant que si elle est vraie, elle est très grave pour l’éthique et l’image de notre patronat, qui par ailleurs, a ses dirigeants qui ne ratent pas d’occasion pour assener des leçons de patriotisme économique et de morale à la classe politique.
Ma grande surprise fut la défense du patronat sénégalais par Ibrahima Séne, leader d’opinion averti, que l’on retrouve rarement dans ce rôle, lui le communiste fondateur du PIT, combattant de toujours pour l’amélioration de la condition des travailleurs. Ceci suite à mon post sur les réseaux sociaux qui disait ceci : “J’aimerai entendre la défense du patronat sur cette vive interpellation plein d’intérêt pour la nation”.
Mais les arguments avancés par Mr Séne dans les termes suivants, ne me convainquent guère et me semblent relever plus d’un réflexe primaire d’un nationalisme creux que d’une analyse profonde et pertinente comme il nous en a habitué : “Mr Ly, Tu réagis comme si tu ne savais pas que notre patronat national ne détient pas les Banques qui financent, et n’ a pas d’accès aux grands marchés publics ! Comment peut on s’attendre d’eux des emplois à la place de ceux qui détiennent le pouvoir économique (le capital étranger) et le pouvoir politique qui détient les marchés publics. Dans un pareil contexte, le patronat ne peut que râler pour se faire entendre. Donc le Patron Français qui cherche à accabler les nôtres, n’a fait qu’enfoncer une porte ouverte. Il faut qu’il continue de râler pour se faire une place dans notre économie. C’est le devoir des forces politiques, qu’ils ont contribué, à leurs risques et périls sous Wade, à leur accession au pouvoir, de les aider afin de mettre fin à leur marginalisation historique dans leur propre pays.”
Je n’entrerai pas dans des polémiques vaines, mais à mon avis,quand on interpelle notre patronat, ce sont ces syndicats de patrons, en tant qu’organisations, qui gèrent les capitaux senegalais et étrangers à la fois qui sont interpellés. Je demande d’arrêter de flatter un certain nationalisme négatif, hors propos dans le contexte que nous vivons…. Pour le grand combattant de la cause des travailleurs que vous êtes je pense qu’il aurait fallu comprendre qu’on interpelle le patronat senegalais, comme l’ensemble des organisations syndicales patronales de notre pays, composées d´entreprises dont le capital est souvent mixte, avec des capitaux nationaux et étrangers. Je pense au MEDS, CNP, CNES et leurs leaders sont interpellés! Et dire dans votre argumentaire ci-dessus, qu’ils ne peuvent que râler, est étonnant, c’est bien de leur suggérer cette forme de lutte, ça leur servira donc à bien des choses (c’est de l’humour bien entendu). Comme il est tout autant faux de dire qu’ils n’ont pas accès aux grands marchés publics.
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’une critique vient d’un français, un ivoirien, ou autre, qu’elle est tout de suite suspecte! Si ce type de réflexion, comme c’est le cas ici, soulève une question de fond dans notre pays, il serait bien qu’on la traite avec sérieux. En démêler le vrai de l’ivraie. La question de fond que cette interpellation soulève, est donc de savoir, pourquoi depuis 14 ans (pour ne considérer que cette période), on a concédé tant au patronat et souvent même contre les intérêts des autres partenaires sociaux et que ceux ci ne semblent pas donner une contre partie satisfaisante, ni dans le domaine de la création d’emplois, ni dans le domaine du RSE, comme s’en est désolé le Président de la République dernièrement. La question des stages pour nos étudiants en cours de formation, pour développer leur employabilité et facilité leur entrée dans le monde du travail devrait être pris en charge par nos entreprises, sur ce point point pas besoin d’études et de statistiques pour se rendre compte de leur désengagement sur cette question, quand l’état fait son maximum pour trouver des voies et moyens pour redresser le chômage.
Chers compatriotes, C’est le patronat qui est interpellé. Il serait bien qu’il nous éclaire sur ces assertions, il y va de leur crédibilité, et le faire sans tomber dans les invectives, la condescendance inutile, ni aussi dans l’indignation théâtrale, comme il est souvent coutume quand on demande plus d’effort au capital face au travail. Le débat est ouvert ! Nous disons oui au patriotisme économique et non à l’arnaque des nationaux !
Mohamed LY
Président Ipode
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Article très pertinent qui soulève un problème crucial dans notre pays. Au fait, je ne comprends pas pourquoi les patrons ne donnent pas des objectifs chiffrés de création d’emplois par année et le respecter. C’est cela le patriotisme économique. Quand je vois les centaines de milliards de bénéfices générés par Sonatel et autres multinationaux, ça craint quand même!!