[vc_row el_position=”last”][vc_column][vc_column_text]RCPR (Rassemblement des Citoyens Patriotes et Républicains) est un des groupes les plus actifs du net sénégalais, avec à la clef, une émission hebdomadaire à la radio tous les samedis, ils ont reçu Mohamed Ly président du Think tank Ipode (Innovations Politiques et Démocratiques) dans le cadre des « JEUDIS DE RCPR » sur le thème : « Les grandes réformes de l’Etat du Sénégal: Méthodes, enjeux et contenus »
Portrait de l’invité: Ingénieur et consultant sénior dans l’un des plus grands cabinets de conseil de la place parisienne, Mohamed Ly est ingénieur en système d’information et en organisation. Il a suivi un parcours de double compétence en informatique et en finance d’entreprise qui l’ont mené au Canada pour terminer son cursus à HEC Montréal et à l’UDM. Il est membre du PMI et suit des certifications les plus pointues en management de projet. Cet expert en gestion de projet d’envergure est un féru de la vie politique, il fut membre fondateur du parti politique AD Pencoo. Mohamed Ly est réputé être un débatteur hors pair, social-démocrate dans l’âme il fait partie des pragmatiques de sa génération pour la gestion de la vie publique ; alliant conviction, réalisme et pondération dans ses prises de position. Nous ne saurons finir sans préciser qu’il est l’un des leaders d’opinion les plus présents sur le net sénégalais et alimente volontiers ses folowers d’analyses et de propositions pour améliorer la gouvernance au Sénégal et en Afrique. Mohamed est aussi au cœur des débats les plus actuels et les plus avant-gardistes dans le monde des Think tanks progressistes, à côté de ses amis Martine Benayoun présidente du cercle de la Licra, de Virginie Martin présidente du Think tank Différence et de Dominique Reynié de la Fondapol. Il prend naturellement part aux débats autour des sujets traitant de l’actualité et de l’avenir de l’Afrique. Dans ce cadre, sa dernière sortie remarquée remonte au débat sur « les échanges interafricains », organisé en Septembre à l’université Paris Dauphine par le Think tank africain Diallo Telli. Marié et père d’un enfant qui porte le nom de son père, notre invité décrit sa vie parisienne comme « culturellement exaltante, intellectuellement enrichissante et socialement froide » et se décrit comme un aristocrate Torodo foncièrement républicain et démocrate.
RCPR 1: Vous êtes depuis quelques mois à la tête du Think tank IPODE, pouvez-vous nous parler un peu de sa genèse, de son orientation et surtout de la mission qu’il s’est investi?
Mohamed LY: Permettez-moi de vous remercier d’abord de cette invitation et de m’offrir cette tribune pour aborder avec vous les différentes réformes en cours et l’actualité dans notre pays.
Innovations Politiques et Démocratiques IPODE est un Think tank créé par des africains de haut potentiel pour participer à l’émergence des idées progressistes dans le continent et spécialement au Sénégal. Ipode est un Think tank progressiste, indépendant et panafricain. Sa genèse tient du fait de vouloir promouvoir un autre type d’engagement politique, qui ne soit pas partisan et qui compte opérer par une participation de qualité sur tout sujet de politique publique dans nos pays. Nous nous sommes donc donné comme orientation de participer au débat publique et d’aider à la consolidation de l’émergence d’une opinion éclairée. Quant à sa mission c’est de produire et diffuser des solutions politiques innovantes au Sénégal et dans le reste de l’Afrique.
RCPR 2: Vous parlez surtout d’innovation politique, à quoi cela renvoie ? Est-ce à dire que les pratiques politiques au Sénégal et les formes actuelles de militantisme politique sont caduques et dépassées? Quels sont les mécanismes nouveaux que le Think tank (réservoir d’idées) compte apporter sur la scène politique sénégalaise?
Mohamed LY: Innovation Politique renvoie au besoin de toujours revisiter notre système politique, ses pratiques et fonctionnement pour le rénover, et l’améliorer pour aboutir à une pratique plus saine et à une meilleure garantie de la défense de l’intérêt général.
Par rapport aux pratiques politiques et les formes de militantisme politique qu’on retrouve au Sénégal, je ne me permettrai pas de les qualifier de caduques. Je pense que nous avons un bon système qui fonctionne qui nous assure des alternances, une participation citoyenne, une paix sociale et une dévolution apaisée du pouvoir. Les points que je viens de citer sont très importants dans une société. Maintenant cet état des lieux est perfectible, il y a des distorsions, et des points à améliorer, que la pratique politique a mis en exergue ces dernières années surtout durant les douze années de Wade. Il n’est certainement pas de trop, de vouloir leur amener des actions correctrices, et au-delà nous inspirer des meilleures pratiques à travers le monde, en veillant à les adopter avec nos spécificités sociologiques, religieuses, sociales et historiques.
Le seul fait de susciter un engagement politique non partisan est à noter, je pense comme nouveauté. Surtout quand cette volonté s’accompagne d’une non-participation de l’organisation à une quelconque consultation électorale. Par ailleurs nous comptons être des leaders sur des sujets sur des enjeux continentaux majeurs dans les années à venir, comme nous l’a si bien recommandé notre soutien moral, le respectable Cheikh Hamidou Kane. Au Sénégal, nous essaierons sur tous les sujets dans lesquels on sera apporté à intervenir, de le faire de façon scientifique, concertée et sérieuse sans prendre en compte des considérations partisanes. Il est a rappelé que nous sommes une organisation dont la crédibilité dépend de la pertinence et de la crédibilité de nos publications mais aussi de notre indépendance conformément à l’art1 de notre charte éthique qui stipule : « Conformément aux statuts de l’association, le Think tank IPODE exerce ses activités au service des citoyens, en toute indépendance et avec une pleine ouverture. Elle ne reçoit d’instruction, recommandation ou orientation de quiconque. Elle est un lieu de rencontre mettant en relation des publics différents : société civile, élus, partenaires sociaux, monde de l’entreprise, de la recherche, de la culture, de l’administration et des collectivités territoriales. »
RCPR 3: Le Think tank dont vous êtes le Président s’est penché un peu sur certaines de ces réformes, notamment la réforme des institutions et celle des marchés publics, en déclinant surtout des propositions. Pouvez-vous nous parler brièvement d’abord du pourquoi de ce positionnement sur les réformes et surtout quel est le sens de vos travaux si l’on sait que des commissions ont été constituées pour décliner les propositions et recommandations?
Mohamed LY: Il faut comprendre d’abord l’essence d’un Think tank pour comprendre notre démarche. Nous aspirons à participer à la vie de la cité en y apportant notre expertise et nos analyses. Le calendrier et le contenu des transformations sociales dépendent essentiellement, dans le pays comme le nôtre, du Président de la République. Il est donc aisé de comprendre que nous nous collons à son agenda de réformes pour faire des contributions que nous voulons de qualité pour peser sur le débat public et peut être sur les décisions structurantes qui en découleront.
J’aimerai d’abord dire qu’inéluctablement l’histoire retiendra Macky Sall comme un président réformateur, et si ces réformes citées sont bien menées avec des innovations majeures on parlera de lui comme étant un GRAND Président réformateur de l’état au Sénégal de la trempe d’un Mitterrand, Rocard, Gorbatchev ou Schröder dans leurs pays respectifs. En second lieu le président est innovant dans sa démarche de mettre en place des commissions pour lui proposer des projets de réforme, commissions dirigées par des personnalités intègres et crédibles pour le travail attendu de leur part. Maintenant cette innovation qu’on demande ne devrait pas aboutir non plus à la « dictature des commissions ». Qu’est-ce que je veux dire par là ? Je veux dire qu’une commission produit pour le président un travail qui est censé être techniquement et opérationnellement fiable et crédible. C’est au Président qu’il revient de l’adopter entièrement ou en partie, suite à un débat bien nourri et à un échange avec les forces politiques et citoyennes du pays. Et c’est dans ce débat qu’il faut inscrire les contributions d’IPODE, qui par ailleurs peuvent être reprises en tout ou partie par les commissions s’il elles le jugent nécessaire. Mais nous précisons qu’une commission ne décide pas et ne légifère pas. Pour la plupart des réformes un débat parlementaire sera naturellement ouvert dans le cadre du vote de la loi consacrant les nouvelles dispositions devant accompagner certaines réformes.
Par ailleurs il est injuste de dire que notre programme suit celui des réformes, nous sommes en train de finaliser deux travaux d’une grande qualité sur la politique énergétique , étude que je trouve révolutionnaire et sur notre politique de développement industriel, travaux pour lesquels je serai co-auteur. Ipode a publié ma note sur l’Offshoring et la politique de l’emploi dans nos pays africains, qui m’a valu des retours inattendus au niveau continental. En somme le Think tank travaille plus en dehors du cadre des réformes lancées contrairement à ce que semble affirmer certains. (Depuis l’interview ces publications sont sorties sur le site d’Ipode www.thinktank-ipode.org)
RCPR 4: Depuis l’élection du Président Macky Sall comme Président de la République, plusieurs réformes ont été initiées. Il s’agit principalement de la réforme du code des impôts qui est déjà en vigueur, et d’autres en cours notamment la réforme des institutions, celle portant sur les marchés publics, l’acte 3 de la décentralisation, la réforme foncière, la réforme de l’enseignement supérieur. Pouvez-vous revenir sur l’esprit ayant porté toutes ces réformes? Et quelle lecture en faites-vous?
Mohamed LY: Sourire… Je pense que cette question doit s’adresser au Président de la République qui est le plus légitime pour répondre à cette question. Mais néanmoins je tenterai de donner mon point de vue. Le 25 Mars 2012 le Sénégal a connu sa deuxième alternance. Cette alternance a été inéluctable à partir du 23 Juin 2011 suite au refus du peuple de voir sa constitution tripatouillée par une majorité mécanique à l’assemblée nationale aux ordres de l’exécutif. Ce mouvement du 23 Juin a été l’expression d’une maturité de notre opinion publique et l’expression d’une exigence plus grande que les sénégalais voulaient faire entendre à leurs dirigeants politiques sur la bonne gouvernance et le respect de l’Etat. Ayant compris cette attente de réforme dans presque tous les domaines de la vie publique, le candidat Macky Sall avait pris des engagements pour engager le Sénégal dans des réformes de grande envergure qui permettraient à notre pays de se réconcilier avec ses institutions et pratiques politiques. Ainsi depuis son accession à la magistrature suprême, le Président Macky Sall tente tant bien que mal à lancer ses réformes dont les plus structurantes pour le pays sont celles que vous avez citées. Et nous l’encourageons à persévérer et à mener ces réformes jusqu’à leur terme avec des innovations majeures tendant à mettre le citoyen au cœur de notre démocratie.
RCPR 5: Quelles sont leurs singularités et les résultats attendus? Autrement, quels sont les enjeux de cette série de réformes, partant des travaux de votre Think tank? Quels contenus doit-on les donner?
Mohamed LY: Ces réformes sont singulières sous plusieurs angles, on a déjà évoqué la singularité de la démarche proposée par le Président de la République, elles sont aussi singulières dans la nécessité d’apporter des actions correctrices face aux incongruités et aux anormalités qui ont été dénoncées durant les années Wade. C’est comme ça qu’un pays sérieux et bien gouverné avance. Mais cette démarche de réforme peut aussi être un alibi pour aborder de grands chantiers comme les institutions, la décentralisation et l’enseignement pour réfléchir ensemble sur notre devenir, et aller au-delà des actions correctrices nécessaires : Penser notre pays autrement, le mettre en perspective, dans la sous-région et dans la mondialisation, lui doter de moyens institutionnels et juridiques pour lui assurer un essor et l’épanouissement de ses membres. On doit donc donner à ces réformes un contenu sérieux, assez exhaustif et de vision, sur les chantiers engagés pour pouvoir nous passer pour un long moment, de ce travail de conceptualisation, dont tout pays a besoin comme socle d’un développement durable.
RCPR 6: En ce qui concerne la réforme des institutions, ne pensez-vous pas qu’il fallait surtout l’approfondir en y intégrant une réforme de l’administration particulièrement d’autant plus que celle est réputée non performante et non productive? Pourquoi se focaliser uniquement sur les institutions? Est-ce à dire encore une fois que les logiques politiciennes priment dans ce pays au détriment de celles d’efficacité et d’efficience?
Mohamed LY: Vos deux questions ne sont antinomiques : on peut intégrer la réforme de l’administration dans la réforme des institutions sans pour autant omettre de réfléchir sur les réformes nécessaires des institutions comme on les entend de façon classique. Sur la question de la réforme de l’administration il est établit que c’est un besoin réel que les citoyens ont souligné et partout où on a été cela a été soulevé. Le Pr Ismail Madior Fall animant le forum d’Ipode en Juillet à Dakar, est revenu longuement sur la nécessité d’inclure dans nos études la réforme de l’administration. Un travail sera initié au sein d’Ipode pour compléter nos premières propositions et explorer ce chapitre. Comme quoi que le débat nous profite à tous, dès qu’on quitte les postures et que les uns et les autres s’écoutent. C’est le Sénégal qui en tirera un gain certain.
RCPR 7: Restons sur la réforme des institutions, quelles sont les évolutions et avancées majeures qui devraient renforcer notre démocratie? Par ailleurs, certains estiment qu’il fallait juste appliquer les conclusions des assises nationales. N’ont-ils pas raison au regard de son caractère participatif?
Mohamed LY: Pour renforcer notre démocratie et notre système politique nous avons proposé que la prochaine réforme des institutions consacre de grands principes dont :
– Rééquilibrer le fonctionnement des institutions en réduisant les pouvoirs de l’exécutif face aux pouvoirs judiciaire et législatif.
– Placer le citoyen au cœur de la République.
– Accroître le pouvoir de l’Assemblée Nationale en renforçant son pouvoir de contrôle sur l’exécutif. Ce qui se décline par un rôle accru de l’opposition au sein de l’assemblée nationale.
– Repenser le rôle du citoyen dans sa participation aux décisions politiques, juridiques et sociales de notre société, tout en lui conférant un rôle accru dans la défense de ses droits. Le Cese (Conseil économique social et environnemental) prenant le relais de toutes les actions citoyennes d’envergure.
– Donner plus de liberté et de pouvoir à la justice par une réforme du CSM (Conseil supérieur de la Magistrature). Réforme qui devra consacrer l’indépendance du CSM qui ne devrait plus être présidé par le président de la République. Etc….
Par rapport à la deuxième partie de votre question, la réponse est évidente, ceux qui disent qu’il fallait juste appliquer les conclusions des assises nationales, n’ont pas raison. Je donne juste deux arguments : premièrement s’ils avaient raison je fais toute confiance au professeur Amadou Moctar Mbow président des assises nationales d’avoir le caractère et le courage de décliner, au cas échéant la proposition du Président Macky Sall de lui confier la CNRI. Et je ne pense pas qu’il y ait une personne mieux placée que le Pr Mbow pour défendre et plaider l’application des conclusions des assisses nationales. La deuxième raison c’est la démarche du Président de la République signataire des conclusions des assises nationales et SANS RESERVE contrairement à ce que certains disent.
Mais j’irai plus loin en répétant ceci : il faut oser aller au-delà des assises nationales ! Lle travail qui y a été fait est un travail sérieux qui rend beaucoup de service à notre pays, mais il ne faut pas que ce soit blasphématoire de dire que sur certaines questions, des compromis ont été trouvés, des synthèses ont été faites pour ne pas déranger certains. Il ne serait donc pas mal venu de revoir certaines choses. Et le faire dans le cadre des commissions, de surcroit diriger par le président des assises nationales, me semble être une bonne chose. Et pour étayer mes propos je donne juste un exemple, sur la date limite de candidature à la présidentielle, la pression de l’AFP dont le président était un membre éminent et un financier des assises a été énorme, et pour ce parti et ses alliés, il n’était pas question qu’ils acceptent une disposition qui exclurait de facto leur leader en 2017. Comme l’intérêt n’était pas de fâcher un des socles de Benno Siggil Sénégal et d’affaiblir ou de faire exploser cette merveilleuse aventure qu’était les assises, il a été compréhensible que ce sujet soit mis de côté ou traiter autrement. Aujourd’hui dans cette commission qu’est la CNRI, et des décisions de réformes que le président de la République prendra on ne peut pas traiter des questions par rapport à tel groupe si respectable qu’il soit ou tel autre personne, mais par rapport au seul principe de défense de l’intérêt général.
RCPR 8: Concernant la réforme des marchés publics, est-elle de nature à enlever les goulots d’étranglement qui empêchent, selon le Président, au gouvernement de dérouler certains de ses projets? Dans quelle mesure la réforme du code des marchés peut-elle instaurer la transparence dans les marchés publics et quelles doivent être les nouvelles dispositions?
Mohamed Ly: Sur la réforme du code des marchés publics on est sur une autre démarche et d’autres problématiques. Nous avons rappelé que Le code des marchés publics en vigueur est un décret. Celui du 25 Avril 2007 N°2007-545, qui a été modifié en 2010 puis abrogé et remplacé par le code en vigueur du 27/07/2011. Dire cela c’est rappelé qu’il ne dépendra que de la seule volonté du chef de l’état de juger des innovations nécessaires à y incorporer pour un nouveau décret qui sera promulgué par ses soins.
Maintenant notre travail, que j’ai personnellement dirigé en étant allé voir les différents acteurs du code, révèle que notre système de passation de marché public est transparent contrairement à ce qui se dit dans certaines colonnes. Les contrôles se font a priori par la DCMP et a posteriori par l’ARMP et que sur ce point, notre pays a fait des avancées considérables. Maintenant nous revenons au fameux principe de « processus d’amélioration continue » qui nous impose à parfaire les choses. De l’application du code, les différents agents chargés de son application, ont noté des améliorations à amener et des dispositions à faire évoluer. Notre étude en fait un compte rendu in extenso. Par contre concernant les goulots d’étranglement ou les lenteurs dénoncées par les ministres du gouvernement précédent, nous tenons à dire qu’ils ne résultent pas du code mais des pratiques chez les acteurs de la commande et chacun a ses responsabilités. Nous avons fait des propositions dans le sens d’améliorer tout ça, à voir dans notre article. D’ailleurs nous soulevons une inquiétude quand on nous donne l’impression du côté du pouvoir que les organes de contrôle sont des empêcheurs de tourner en rond ce qui n’est pas exact. Le nouveau pouvoir qui a mis le ministère de la promotion de la bonne gouvernance en place, ne peut pas plaider pour une permissivité excessive.
RCPR 9: « Organiser le Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable à l’horizon 2022», telle est la vision prônée par la réforme de l’acte 3 de la décentralisation, pourtant beaucoup s’élèvent contre cette réforme majeure. Les ratés dans le pilotage de ladite réforme, avec l’éviction du ministre lors du dernier remaniement, leur donnent-il raison et qu’elles sont les limites objectives dans la mise en œuvre de l’acte 3 de la décentralisation?
Mohamed Ly : « Organiser le Sénégal en territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable à l’horizon 2022» a été un engagement fort du candidat Macky Sall et tout sénégalais doit soutenir cet idéal. Je pense que ceux qui se soulèvent contre cette réforme l’ont fait par rapport à la démarche et plus souvent pour un défaut de concertation. J’espère que cela puisse être très vite corrigé. Je ne considère pas que le pilotage de cette réforme puisse être considéré comme un raté. Je me réjouis de ma part que le pilotage ait pu faire des propositions concrètes dans un premier acte qui permette le respect du calendrier républicain par rapport aux élections locales, et qu’il nous propose d’autres actes approfondissant la réforme. Il y a une exigence que toutes ces réformes doivent respecter, c’est d’arriver à réformer le Sénégal dans l’harmonie et de façon graduelle. Cette exigence s’adresse surtout à la commission de l’acte 3 de la décentralisation qui a en charge une réforme complexe, lourde et faisant intervenir des acteurs très politisés.
RCPR 10: Il y’a peu, Me Doudou Ndoye qui était le Président de la commission chargée de la réforme foncière a démissionné fustigeant à cet effet le manque de moyens! Peut-on dire globalement qu’à travers ces couacs il y’a un défaut de méthodes et surtout que le gouvernement ne maîtrise pas trop les réformes engagées? Et avec les lenteurs observées, le gouvernement a-t-il réellement envie d’aller jusqu’au bout de la réforme, selon vous?
Mohamed Ly : Je suis embêté d’être dans la position de devoir défendre le gouvernement (rire… ce n’est pas le rôle de mon Think tank, BBY est là pour ça) mais on fait des amalgames dangereux en abordant les questions de la sorte. Le propre de mettre en place une commission sert au moins à désengager le gouvernement tant que celle-ci ne dépose pas son projet de réforme sur la table du président de la République. Le gouvernement n’a rien à voir avec ces lenteurs. Je rappelle que c’est en Novembre 2012 que le Président de la République a dit publiquement qu’il confiera le travail sur la réforme des institutions au Pr Mbow, et c’est seulement qu’en Juin 2013 que la commission fait une de ses premières communications pour nous exposer les termes de référence et leur budget prévisionnel. Il ne faut pas que les membres de la CNRI nous en veuillent quand on dit qu’ils auraient pu être plus efficaces et plus réactifs. Maintenant si ce que Me Ndoye avance est vrai, je m’en insurge, car on ne peut pas ne pas donner aux commissions des moyens ! L’Etat n’est même pas obligé de leur donner un budget autonome mais il est tenu de leur donner tous les moyens nécessaires pour la réussite et l’aboutissement de leurs travaux dans les meilleures conditions. Nous avons appris que la CNRI aurait déjà reçu 300 millions CFA, il est malheureux qu’une autre commission se plaigne de moyen, toutes les commissions doivent être traitées de la même manière, c’est-à-dire avec égard et reconnaissance.
RCPR 11: Enfin, nous n’avons pas trop entendu le Think tank IPODE sur la réforme de l’enseignement supérieur. Toutefois, que vous inspire cette autre réforme d’envergure de l’Etat? Les recommandations formulées sont-elles applicables à votre avis, surtout concernant la hausse du montant des inscriptions? Cette réforme ne va-t-il pas exclure les plus démunis du circuit universitaire?
Mohamed Ly : Vous savez nous avons un programme annuel très chargé et il n’est pas facile de mener toutes les réflexions en même temps. Mais nous allons travailler sur le sujet, d’autant plus que Mr Mody Niang président du comité éthique d’IPODE a accepté ma proposition de coordonner les réflexions et de diriger la production qui s’en suivra. Vous savez combien ces sujets touchant à l’éducation lui tiennent à cœur. Nous avions exprimé que le rapport de la commission sur l’enseignement supérieur est excellent, et nous la soutenons avec énergie sauf sur le point saillant qui a soulevé un débat énergique dans le pays à savoir la forte augmentation des droits d’inscription. Je rappelle que le président de cette commission le Pr Souleymane Bachir Diagne nous fait l’honneur d’être membre du comité scientifique d’IPODE. Donc sur le seul point de la hausse des inscriptions à hauteur d’une centaine de milliers CFA, j’ai eu a soulevé mon désaccord que j’ai exprimé le 11 avril 2013 dans un article paru dans la presse intitulé « Sénégal: Non à la privatisation des universités et du savoir ! ». Avant d’aller sur le fond de cette question, il faut d’abord qu’on nous donne la réponse à savoir combien coûte aujourd’hui un étudiant dans nos universités. N’y a-t-il pas de déperdition de l’argent dans la gestion de cette enveloppe financière payée pour chaque étudiant par la collectivité, et seulement par la suite, nous concevrons qu’on aborde la question comme elle est amenée. D’un point de vue comptable un étudiant coûte très cher à la collectivité et nous sommes en droit de demander combien, puis benchmarker ce prix par rapport au privé (ISM, Institut Jeanne D’arc, IAM etc..) et avancer tous ensemble dans la recherche de solution en nous libérant de tout dogmatisme. J’avais terminé mon propos dans cet article en ces termes : « Revenant sur le sujet de l’éducation et du savoir, tous les pays qui s’en sortent et qu’on cite comme exemple en tant que nouveaux pays émergents prennent le mieux qu’ils puissent en charge l’enseignement de leurs jeunes populations, de leurs futures élites, car ils savent et ont compris depuis longtemps que c’est l’arme la plus efficace contre la pauvreté, et la régression dans ce monde si concurrentiel. Et ils ne s’y trompent pas ! »
RCPR : le mot de la fin ?
Mohamed Ly : Je finirai en disant, qu’une des plus grandes vertus de toutes ces réformes, c’est de permettre à notre pays d’avoir ce type de débat qu’on a eu ensemble, qu’on se mette tous autour d’une table pour discuter du devenir de notre pays. On ne peut pas tous être d’accord, mais c’est dans ces débats qu’on consolide et qu’on enrichit cette appartenance commune qui nous transcende tous. Merci pour cet échange.
Propos recueillis par Bao Moussé du groupe RCPR[/vc_column_text][vc_toggle open=”false” el_position=”last”]
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