Introduction
Dans un contexte, où le Président de la République a nommé le Président des Assises nationales à la tête de la Commission chargée de réformer les Institutions, a réaffirmé sa volonté de porter son mandat de 7 à 5 ans, et après la suppression du SENAT, vient de conférer aux citoyens, disposant de 5000 signatures, le droit de saisir le Conseil Economique, Social et Environnemental pour donner leurs avis, des signaux de plus en plus évidents sont ainsi donnés, pour indiquer la volonté du Président Macky Sall de procéder à des ruptures au plan institutionnel.
Mais, plus d’un an après l’avènement de la nouvelle Alternance du 25 mars 2012, les pouvoirs exorbitants du Président de la République, qui sont hérités de la Constitution de Wade, et les rapports institutionnels déséquilibrés entre le Pouvoir exécutif et le Pouvoir législatif, retardent encore la Refondation de l’Etat et de la Gouvernance, pour laquelle, les Sénégalaises et Sénégalais se sont mobilisés pour faire partir Wade.
L’Assemblée nationale reste prisonnière de la volonté du Chef de l’Etat, même dans la détermination de la durée du mandant de son Président !
L’accès aux emplois civils et militaires et leurs rémunérations relèvent encore du pouvoir discrétionnaire du Président de la République.
Dans un an, il pourra dissoudre l’Assemblée nationale à sa guise !
Plus est, la nomination comme Conseiller, par le Président de la République, d’un éminent Professeur de Droit Constitutionnel, adepte du « Présidentialisme », qui est connu par son absence délibérée des Assises nationales, et par ses fortes réserves quant à ses principales Conclusions ayant trait à la Réforme des Institutions pour refonder notre Etat, devrait rendre encore plus vigilants et plus mobilisés, les Acteurs des Assises nationales, surtout qu’à cela s’ajoutent les velléités, récemment exprimées, de les « analyser en fonction des réalités actuelles ».
Devant cette situation contradictoire, résultant de la Transition qui s’est ouverte avec la chute de Wade et l’avènement d’un Gouvernement de large rassemblement autour du Président de la République Macky Sall, il est devenu impérieux de mieux faire comprendre à l’opinion, les dispositions pertinentes du Projet de Réforme institutionnelle qui était encours de finalisation au sein du Comité National de Pilotage (CNP) des Assises nationales, bien avant l’avènement de l’Alternance du 25 mars 2012.
Ces dispositions, non seulement mettaient fin aux pouvoirs jugés exorbitants du Président de la République en restituant à l’Assemblée nationale et au Pouvoir judiciaire toute leur indépendance vis-à-vis de l’Exécutif, mais aussi, jetaient les fondements de la « Démocratie et de la Participation citoyennes ».
Cependant, le manque de vulgarisation de ces dispositions au sein des populations, au moment des campagnes électorales pour la Présidentielle et pour les Législatives, n’a pas permis de créer, jusqu’ici, l’engouement populaire nécessaire, pour accompagner cette mutation institutionnelle révolutionnaire de rupture et de refondation de notre Etat sur des bases républicaines, démocratiques, laïques et citoyennes.
C’est pour contribuer à remédier cette situation, dans la perspective des élections locales, que le rappel des dispositions du Projet de Constitution des Assises nationales, les plus pertinentes en matière de « Démocratie et de participation citoyennes » ont été reprises dans ce qui suit :
Les fondements de la Démocratie et Contrôle citoyens
Article 07 : « La concertation avec les acteurs concernés est un préalable avant tout changement significatif ou toute nouvelle orientation des politiques publiques ».
L’importance de cette disposition réside dans le fait que l’Exécutif, avant d’adopter tout programme avec les Institutions de Bretton Woods, doit, d’une part se concerter avec le Conseil Economique, Social et Environnemental, et d’autre part, avoir le quitus de l’Assemblée nationale.
Cette disposition constitutionnalise la fin programmée des politiques et programmes imposés à notre peuple, et fonde les revendications maintes fois soulevées par les acteurs des Assises nationales, et aussi les vœux, publiquement exprimés, de Monseigneur le Cardinal Sarr, de rompre avec les « liens esclavagistes » qui nous lient encore avec les Institutions de Bretton Woods.
Article 13 alinéa 2 : « La Constitution garantie aux Candidats indépendants la participation à tous les types d’élection ».
De cette manière, les Partis politiques, les Organisations de la Société civile, et les Personnalités concourent tous à l’expression du suffrage du peuple. Les Partis politiques ne détiennent plus le monopole exclusif du pouvoir d’Etat.
Article 19 : « Tous les citoyens ont le droit d’adresser des pétitions aux Autorités en vue de défendre leurs droits ou de dénoncer des actes illégaux ou les abus de pouvoir ».
Ainsi, le « Contrôle citoyen » sur les Autorités et leur interpellation par voie de pétition, deviennent des droits constitutionnels, et ne sont assujettis d’aucune obligation de nombre de signataires. C’est une avancée certaine par rapport à ce que le Chef de l’Etat veut consentir aux citoyens en direction du Conseil Economique Social et Environnemental évoqué plus haut.
Article 31 : « Les travailleurs participent à la détermination des conditions du travail ».
Cette disposition constitutionnelle vient renforcer l’Article 5 du Code du travail du Sénégal, pour instaurer la « Démocratie participative » dans les Entreprises et les Services.
Article 38 : « Le Droit de grève est reconnu. Il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent. Il ne peut en aucun cas porter atteinte à la liberté de travail ».
L’hypothèque constitutionnelle de fait, que Wade avait fait planer sur l’exercice du Droit de grève et qu’il n’avait pas oser transcrire dans le Code du Travail devant sa crainte d’une riposte fulgurante des syndicats, va être levée par cette nouvelle disposition constitutionnelle en la matière.
Article 44 : « La Constitution garantie à chaque citoyen qui s’estime victime d’abus en matière de garde à vue ou de détention préventive, le Droit de saisir à tout moment le Juge pour être rétabli dans ses droits. Le statut et les modalités de désignation du Juge des Libertés sont déterminés par la Loi ».
De cette manière, les abus constatés au niveau du Pouvoir judiciaire et de la Police judiciaire pourront être contraints efficacement. C’est le début d’une véritable libération du citoyen.
Article 84 alinéa 2 : L’initiative d’une proposition de Loi peut être aussi le fait d’un nombre d’électeurs inscrits représentant au moins deux fois le quotient électoral des dernières élections législatives, et domiciliés dans la moitié des régions à raison de 1000 au moins par région. Cette initiative doit être soutenue par un Député au moins. »
Ainsi, le citoyen électeur participe directement à l’exercice du Pouvoir législatif, et cesse de n’être qu’un « bétail électoral » que l’on courtise, souvent par des « arguments sonnants et trébuchants », pour avoir son suffrage, et qui se fait oublier le lendemain jusqu’aux prochaines échéances électorales.
Article 106 : « Toute personne peut, dans les conditions prévues par une Loi organique, saisir la Cour Constitutionnelle d’un recours, lorsqu’une mesure d’ordre législatif porte atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine, ou remet gravement en cause les principes et valeurs de la République, de la Démocratie, l’Etat de Droit, et l’équilibre des Institutions. »
Article : 107 « Toute personne peut, dans les conditions prévues par la Loi, saisir la Cour Constitutionnelle par la procédure de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction ».
Ces deux articles sanctuarisent le « contrôle citoyen » et le « Droit de veille » qui font du Sénégalais un « défenseur actif » de ses propres acquis démocratiques.
Article 116 : « Le Conseil Supérieur de la Magistrature peut être saisi aux fins de poursuites disciplinaires par un justiciable, dés lors que dans une procédure le concernant, le comportement d’un Magistrat est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire ».
Ce « Droit » du Justiciable de faire sanctionner un Magistrat, renforce le « Contrôle citoyen » sur le Pouvoir des Magistrats, et transforme fondamentalement ses rapports avec le Pouvoir Judiciaire, en lui conférant tous les attributs de sa citoyenneté.
Conclusion
Les Sénégalais ne devraient donc plus accepter des « réformettes », mais exiger d’aller résolument, et au plus vite, à une révision générale de la Constitution, pour refonder notre Etat en conformité avec les Conclusions des Assises nationales.
Cette exigence ne doit pas seulement être perçue comme un des « engagements du candidat Macky Sall entre les deux tours de la Présidentielle du 26 Février 2012 », mais, fondamentalement, comme le Consensus national auquel les Acteurs des Assises nationales étaient parvenus dans l’optique de le matérialiser avec ou sans Wade.
Ce n’est donc pas un problème de volonté politique du Président Macky Sall de respecter ses engagements en la matière, mais bien un problème de la détermination des acteurs des Assises nationales pour mettre en oeuvre leur Consensus.
Il y va non seulement de la matérialisation de la réduction du mandat du Président de la République de 7 à 5 ans, puisque la Constitution de Wade, qui est encore en vigueur, ne permet ce changement que par voie référendaire.
De même, qu’il y va des revendications d’élection des Maires au suffrage universel direct, et de l’acceptation des candidatures individuelles aux Locales.
En effet, satisfaire l’une ou l’autre de ces exigences en dehors d’une réforme globale des institutions dans le sens des Conclusions des Assises nationales, reviendrait dans le premier cas, à fabriquer artificiellement des « potentats locaux », et dans l’autre cas, à donner un coup de pouce à l’ « irrédentisme ».
C’est pour éviter ces accueils, que les Conclusions des Assises nationales ont envisagé la matérialisation de ces revendications dans le cadre de la Réforme globale des Institutions pour asseoir, entre autre, les fondements de la « Démocratie et du Contrôle citoyens » que nous avons exposés plus haut, qui constituent des grades fous nécessaires et efficaces à ces dérives anti démocratiques et anti nationales.
Si, avant la tenue des élections locales, cette Réforme n’est pas diligentée par les Acteurs des Assises nationales, qui vont au-delà du Front Benno Bokk Yakaar, le Sénégal aura raté sa deuxième Alternance, après avoir raté la première sous Wade.
En fait, la raison d’être de cette deuxième Alternance, c’est la Refonte des Institutions et de la Gouvernance du pays, pour asseoir les conditions du recouvrement de notre souveraineté économique et alimentaire, dans la dynamique d’une plus grande intégration des pays et peuples de notre sous région.
Ibrahima Sène PIT/SENEGAL
Fait à Dakar le 12 Mai 2013