L’évaluation de l’Alternance du 25 Mars, pour être exhaustive, devrait se faire de plusieurs points de vue. Mais dans cet article, l’on se contentera du point de vue économique et social, et du point de vue politique, pour tenter de déceler les tendances lourdes en œuvre.
I) L’évaluation du point de vue économique.
Cette évaluation porte, d’une part, sur les résultats macroéconomiques et sociaux de l’année 2012 et des deux premiers mois de 2013, et, d’autre part, sur les mesures de politiqsue économique et sociale prises durant la période.
a) Les résultats macroéconomiques et sociaux
Le taux de croissance du PIB est de 1,7% en termes réels, base 100 de 1999, contre un taux de croissance démographique de 2,5% !
Le déficit budgétaire, dons compris, est de 5,9% du PIB comme prévu dans l’engagement du Gouvernement dans le cadre de l’accord ISPE avec le FMI, mais, sans les dons, il atteint réellement 8,7% du PIB, en passant de 605 Milliards en 2011 à 629,9 milliards en 2012.
La « prime » à notre démocratie a porté les dons de 150 milliard en 2011 à 205,9 milliards en 2012, avec des dons budgétaires qui passent de 30 milliards à 51,8milliards !
Les dons masquent ainsi la réalité de la gravité de notre crise budgétaire, que l’UEMOA vient de sanctionner en demandant au Gouvernement de revoir son cadrage macroéconomique.
Quant aux échanges extérieurs, le déficit du Compte courant est passé 7,9% en 2011 à 10,5% en 2012, contre un plafond UEMOA de 6% !
Cependant, L’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (IHPC) est passé de 3,6% en 2011, à 1,4% en 2012, mais avec un renchérissement des prix des céréales non transformées, dont l’indice est passé de 3,8% en 2011 à 6,9% en 2012 ; ce qui justifie les incriminations des ménages en la matière.
En Janvier et en Février 2013, l’IHPC est respectivement de moins 1%, traduisant une tendance inquiétante à la déflation.
Le taux de la masse salariale sur les recettes fiscales, qui est un autre critère de mesure des performances macroéconomiques, est de 34,7% contre 33,25% en 2011, et un objectif 32,6% retenu avec le FMI dans le cadre de l’ISPE. De sorte que, par rapport au plafond de 35% fixé par l’UEMOA, les marges budgétaires sont étroites pour pouvoir contribuer à réduire significativement le chômage.
Dans le secteur privé moderne, au quatrième trimestre de 2012, l’emploi salarié a augmenté de 3,7%, dont +0,3% dans le secteur secondaire, et +6,5% dans le secteur tertiaire qui est composé des Services et du Commerce.
Donc, c’est le secteur secondaire qui est en panne en matière de création d’emploi, notamment les BTP qui ont enregistré – 5,7% d’emploi, là où l’Industrie est à + 2,1%.
Ainsi, le tendon d’Achille de l’emploi dans le secteur moderne est bel et bien les BTP, du fait de l’ostracisme, hérité de Wade, dont les entrepreneurs nationaux font encore l’objet dans l’accès aux marchés publics.
Le secteur secondaire est donc une véritable niche d’emploi à sortir de sa crise, dont les contraintes ont été identifiées dans l’enquête d’opinion des entrepreneurs, publiée en Décembre 2012 par la Direction de la Planification et des Etudes Economiques (DPEE) du Ministère de l’Economie et des Finances. Ces contraintes sont d’une part, la fraude et la concurrence déloyale, donc des crimes économiques, et d’autre part, le non recouvrement des créances dues par l’Etat, donc délinquance d’Etat, qui s’explique par ses problèmes budgétaires réels, que l’on aurait tord d’occulter.
Même le secteur tertiaire gorge encore de potentialités d’emploi, s’il ne subissait pas, en plus de ces deux contraintes du secteur secondaire, le poids de la fiscalité et de l’insuffisance de la Demande.
Ce qui est remarquable dans cette enquête, c’est que nulle part les entrepreneurs n’ont incriminé la législation du travail parmi les contraintes à leur activité, alors que la Banque mondiale s’échine à le faire croire à l’Etat.
Il ne faudrait donc pas croire, que seul le secteur primaire recèle des niches d’emploi. Et ce serait une erreur de penser pouvoir exploiter de manière significative ces niches, avec des emplois stables, durables, et une rémunération décente, sans accompagner le redressement du secteur primaire par celui du secteur secondaire.
Le secteur secondaire devrait être le véhicule de la modernisation du secteur primaire, pour son équipement pour la production, pour la transformation industrielle des produits agricoles en produits finis, et sans résoudre l’enclavement des zones à haute potentialité de production par la levée des contraintes qui maintiennent les BTP dans une crise profonde.
Au plan du financement de l’Economie, la politique du taux d’intérêt de la BCEAO en vigueur ne favorise pas le financement bancaire de la petite et moyenne entreprise, et des exploitations agricoles familiales. Elle a permis plutôt de financer les emprunts budgétaires de l’Etat qui émet des Bons de Trésor et des Obligations pour résoudre ses problèmes de trésorerie, et aux Banques de la place, qui accumulent d’énormes réserves leur servant à spéculer sur le marché financier.
La création de la Banque Nationale de Développement (BND) par la transformation du « Fonds de Promotion Economique » (FPE) avait suscité un espoir de sortir de ce détournement de l’épargne des Sénégalais par les Banques de la place, dont elle constitue plus de 75% des avoirs sur lesquels elles travaillent.
Mais malheureusement, la Loi qui a institué cette Banque Nationale de Développement, a réduit la participation de l’Etat à 25% de son Capital, pour respecter les engagements de Wade auprès des Institutions de Breton Woods, la transformant ainsi en une vulgaire Banque privée, à côté de celles déjà en place, et en la détournant son objet.
La création du « Fonds National de Garantie de l’Investissement Prioritaire » (FONSGIP) destiné aux petites et moyennes entreprises, et aux exploitations agricoles familiales, ne fera pas mieux, en la matière, que le FPE que l’on vient de transformer en BND.
En effet, il serait illusoire de croire que le privé, majoritaire dans cette Banque, aura un comportement différent de ceux qu’il a trouvé en place.
Au total, l’Alternance a hérité de Wade une situation macroéconomique et sociale catastrophique. Mais la première année de l’Alternance n’a pas mis en évidence des tendances lourdes pour s’en sortir. Au contraire, les craintes d’une crise économique et sociale aggravée semblent se dessiner comme une tendance lourde.
L’on a donc assisté, dans ce domaine macroéconomique et social, à une continuité, et non à la rupture attendue.
b) Les mesures de politique économique et sociale
Les mesures de politique économique et sociale d’un Gouvernement sont étroitement liées à la nature sociale des forces au pouvoir, et aux marges de manœuvre que leur offre la conjoncture.
C’est pour cette raison, que les mesures de politique économique et sociale sont le plus souvent ambivalentes, voire contradictoires, et c’est pour cela, qu’il est nécessaire de les analyser à travers les intérêts des diverses forces qui contrôlent le pouvoir.
Ainsi, dans les mesures de politique économique et sociale prises par le pouvoir durant cette première année de l’Alternance, il y en a que l’on pourrait qualifier de « Gauche », et d’autres, de « Droite ».
Une telle situation résulte objectivement de la nature sociale de l’ère ouverte par le 25 mars, qui est une période de Transition entre l’ « ancien régime», hérité de Wade et des Socialistes, et le « nouveau régime», porté par les Conclusions des Assises nationales, auxquelles toutes les forces, qui ont réalisé l’Alternance du 25 mars, ont adhéré ou déclaré solennellement s’en référer.
Ces forces sont constituées de couches sociales qui se réclament de « Gauche », de « Droite », ou du « Nationalisme économique », mais qui se sont regroupées sous la bannière de la Défense de la République Démocratique et Citoyenne, portée par les Conclusions des Assises nationales.
C’est cette situation objective, non suffisamment assimilée, qui a amené la plus part du temps, à évaluer cette première année du point de vue des forces économiques et sociales dont ces couches sociales portent les intérêts, et non pas du point de vue des exigences de cette Transition et de ses contraintes.
1) Les mesures de type de «Gauche »
Au plan économique, la baisse de l’Impôt sur le Revenu, et la hausse de l’Impôt sur les Sociétés, la révision encours du Code minier pour en tirer un meilleur profit pour les populations des sites concernés et pour l’Etat, la remise en cause des situations de rente et de monopôle par la levée des protections indues sur le sucre, le blé et la tomate industrielle, sont incontestablement des mesures de « Gauche » que l’on ne trouve ni en Afrique, ni en Europe, encore moins dans les conditionnalités des Institutions de Bretton Woods.
De même, les mesures prises en faveur du monde rural ont contribué, avec un bon hivernage, à augmenter considérablement les revenus des producteurs, et leur degré d’autosuffisance alimentaire.
Au plan institutionnel, l’activation de la CREI pour traquer les « biens mal acquis », la création de l’OFNAC pour traquer ceux qui abusent des biens sociaux, et le renforcement des compétences de la Commission de lutte contre la corruption et la concussion, avec un « Droit d’auto saisine », et le renforcement de celles de la Cours des Comptes, sont autant de leviers pour atteindre le premier objectif politique de la Transition, qui est celui de mettre un terme au « régime despotique, patrimoniale et néolibéral » de Wade, qui privilégie les intérêts économiques et stratégiques des grandes puissances et de leurs entreprises transnationales, en s’appuyant sur une « nouvelle classe d’entrepreneurs » artificiellement créée à partir des « marchés publics », et de la spéculation foncière et immobilière.
Au plan de la politique extérieure, l’on a assisté à l’émergence d’une tendance lourde d’une volonté plus nette d’affirmation de l’indépendance de notre pays en matière de géostratégie, et de politique d’intégration sous régionale, qui transcende les barrières de coopération de l’UEMOA.
Cela est illustré par la position dégagée par le Président de la République sur la crise malienne, qui vaut à notre pays une plus grande considération du peuple malien par rapport aux pays membres de l’UEMOA et de la CEDEAO. Il s’est, dès le départ, démarqué des positions de la France et des USA, que prenaient en charge ces deux organisations sous régionales, et il a recentré courageusement nos relations diplomatiques vers nos voisins immédiats, avec un encrage plus marqué dans les objectifs intégrateurs de l’Union Africaine, portés par le NEPAD, qui a mis l’accent sur l’intégration par les « programmes », à la place de l’intégration par les « marchés » en vigueur à l’UEMOA et à la CEDEAO, et que Wade avait cherchée, en vain, à imprimer au NEPAD.
Cette inflexion de la politique extérieure du Sénégal, dans le contexte de l’affirmation d’une alternative aux politiques des Institutions de Breton Woods incarnée de plus en plus par le BRICS, ouvre de larges perspectives à l’aspiration des peuples d’Afrique à une plus grande Indépendance vis-à-vis des grandes puissances occidentales, pour une plus grande intégration de nos Etats menant vers l’Unité des peuples du continent.
L’on a donc assisté, avec ces mesures, à une véritable politique de rupture.
Cependant, à côté de ces mesures de rupture hautement saluées, subsistent encore d’autres, qui sont héritées du régime de Wade, et qui donnent un caractère de « Droite » à l’action du Gouvernement dans la période, laissant apparaître un sentiment de continuité.
2) Les mesures de « Droite », ou de continuité
Ces mesures découlent du retard pris dans la réforme des Institutions comme prévue dans les Conclusions des Assises nationales, et dans la reconduction des programmes économiques que les Institutions de Breton Woods avaient ficelé sous le régime de Wade.
En effet, le maintien des pouvoirs exorbitants hérités de Wade est à la base des dérives dénoncées de plus en plus dans la nomination aux emplois civils et militaires, et dans les relations avec les collectivités locales.
Cette réforme des Institutions qui devrait approfondir la Révolution Républicaine et Démocratique de Février –Mars 2012, en jetant les bases de la Révolution citoyenne en gestation dans la Transition encours, risque d’être portée aux calendes grecques, si elle n’intervient pas avant les élections locales de Mars 2014.
En effet, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, et le pouvoir local, les relations entre eux et avec les citoyens, risquent d’être reconduits tels qu’ils sont hérités de Wade, durant tout ce qui reste du mandat du Président Macky Sall.
Ce risque est d’autant plus à prendre au sérieux, que des velléités de reproduction du Parti Etat se font déjà jour au sein du parti du Président de la République et au sein de la coalition qui a porté sa candidature au premier tour de l’élection présidentielle le 26 Février. Ces velléités sont aussi confortées par la tentation du recours à la « transhumance » pour « massifier le parti » du Président de la République, en vue de la conquête de la majorité des collectivités locales en 2014, dans la perspective des élections présidentielles de 2017.
En outre, les accords avec les Institutions de Breton Woods, sous Wade, concernant la privatisation de la terre, empêchent, jusqu’ici, la mise en œuvre des engagements pris pour restituer, aux collectivités locales, les terres indument accaparées par les tenants de son régime, et celles bradées aux investisseurs étrangers. A cet égard, l’audit encours du foncier et le gèle des constructions sur le site de l’aéroport, devraient être étendus dans toutes les collectivités locales pour prépare cette restitution.
De même, la gestion de la crise dans l’Education se heurte aux engagements pris en matière de « précarisation » de la fonction enseignante, et de la privatisation de l’Enseignement Supérieur, que va renforcer l’orientation, par l’Etat, de bacheliers vers ce secteur, à la place de renforcer le secteur public de l’Enseignement Supérieur en infrastructures et en ressources humaines.
II) L’Evaluation du point de vue politique
L’Alternance du 25 mars 2012 a porté au pouvoir une large coalition de forces politiques et de la société civile, autour du Candidat Machy Sall, pour répondre aux attentes des Sénégalais.
Celles-ci, au plan politique, se résument en la consolidation de la République Démocratique, la promotion de la Démocratie citoyenne par la « participation et le contrôle citoyen », la fin de l’impunité et plus de justice sociale, pour éradiquer les bases sociales du Parti – Etat.
Cette forte demande politique a été portée du 23 Juin 2011 jusqu’au premier tour de l’élection présidentielle, le 26 Février 2012, par le M23, et à partir de cette date, par la coalition Benno Book Yakaar (BBY) qui a amené, le 25 mars, le Candidat Macky Sall, à la Présidence de la République.
C’est cette coalition qui a composé le Gouvernement de l’Alternance, et qui constitue la majorité à l’Assemblée nationale.
Cependant, la majorité présidentielle ne se résume pas à BBY, mais elle compte aussi les autres composantes du M23 qui l’ont accompagné à la conquête du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.
Donc, il s’est posé la nécessité d’une double concertation au sein de la majorité présidentielle : une concertation au sein de BBY, et une concertation au sein du M23, dont BBY est partie intégrante.
La cohésion de la majorité présidentielle est donc une nécessité pour préserver la stabilité du pays, afin de créer les conditions les meilleures, pour répondre aux attentes des populations.
Mais, à l’évaluation de cette première année, les reflexes partisans, et les prétentions personnelles de carrière dans l’appareil d’Etat, ont pollué l’atmosphère au sein de cette majorité présidentielle, et porte, aujourd’hui, les germes de son éclatement probable.
Cette situation est le reflet de la cohabitation, dans cette majorité, entre les partisans de la reproduction des fondements institutionnels du Parti-Etat, et les partisans de sa refondation sur des bases républicaines, démocratiques et citoyennes, telles que prévues par le large consensus autour des Conclusions des Assises nationales.
Cette cohabitation est antérieure à l’avènement du M23 et de BBY ; elle remonte à la création de « Benno Siggil Senegaal » (BBS), à l’issu des Assises nationales, en perspective des élections locales de Mars 2009.
L’exercice du pouvoir a accentué ce clivage, au point de porter un très grave préjudice à la visibilité de l’action gouvernementale, et de favoriser la prise de mesures économiques aux antipodes des aspirations du peuple.
C’est ainsi que les entrepreneurs nationaux, qui se sont mobilisés dans la tenue des Assises nationales, et qui se sont engagés physiquement dans la lutte pour le triomphe de cette Alternance, commencent à s’opposer à la reconduction de certaines pratiques de Wade dans la gestion des marchés publics, qui continue à les marginaliser.
De même, l’organisation du monde rural la plus représentative et la plus impliquée dans cette lutte, continue de se voir marginalisée dans la définition et la mise en œuvre des politiques et programmes destinés à ce secteur. C’est ce qui a permis de reconduire la politique de campagne agricole de Wade, qui a consisté à fournir des intrants et des semences subventionnés, à maintenir le système du « carreau usine » pour la commercialisation des arachides, et la libéralisation de leur exportation.
Mais, contrairement à ce qui s’était passé sous Wade, cette politique de campagne agricole a connu un succès franc, grâce à la combinaison d’une bonne pluviométrie et de très hauts cours mondiaux des huiles alimentaires.
Cependant, cette politique est ruineuse pour le monde rural, dès que les prix mondiaux chutent. Et cela risque d’être le cas en 2013, où le prix mondial du Soja, qui sert de référence aux cours mondiaux des huiles alimentaires, a amorcé une tendance à la chute, avec une « baisse de 4,6% en Février par rapport à Février 2012 ».
De sorte que, ces deux catégories de membres de la majorité présidentielle, qui se sont confrontées sans merci avec le régime de Wade, continuent encore à exiger le « patriotisme économique » et la « concertation », au nom desquelles elles se sont alliées avec les autres forces vives de la Nation, pour contribuer au changement démocratique dans notre pays.
De même, de larges franges de la petite bourgeoisie intellectuelle, qui ont combattu le népotisme de Wade et son clientélisme viscéral érigés en mode de gestion des ressources humaines, continuent encore de les dénoncer dans les pratiques du Gouvernement de BBY, au point de jeter carrément une frange de celle-ci, dans une opposition ouverte à la majorité présidentielle.
Cette grave évolution dans les composantes de la majorité présidentielle, risque de s’accentuer, si l’on n’instaure pas au plus vite, des mécanismes de concertation en son sein.
C’est dans cette perspective que la « formalisation » du M23, qui va devenir une « organisation d’utilité publique », devrait être le creuset d’un dialogue fécond au sein de la majorité présidentielle, et un espace d’interpellation des Gouvernants, des Elus, et de l’Administration, dans le processus de mise en œuvre de la Démocratie citoyenne.
De même, le Groupe parlementaire de BBY devrait jouer la même fonction, en organisant des espaces de concertation et d’interpellation au sein de cette coalition, entre les Gouvernants et les Cadres des organisations membres.
Le M23 et le Groupe parlementaire de BBY devraient prendre rapidement conscience de leur responsabilité historique dans la réalisation des changements auxquels aspire le peuple sénégalais, et qui ne peuvent se faire que dans une plus forte cohésion des rangs de la majorité présidentielle.
Ils sont en effet le seul recours face aux tendances lourdes de dislocation de la majorité présidentielle, puisqu’ils sont les porteurs de la « Démocratie consensuelle », dont la base est l’ « expression libre et sans entrave des opinions de ses membres », en vue de dégager des « consensus autour des politiques et programmes » portés par le Gouvernement.
Les Sénégalais ne sont pas encore familiers à cette forme de Démocratie, car ils sont habitués à « l’alignement », ou au combat entre « pouvoir et opposition ».
Le Sénégal a donc, avec le M23 et le Groupe BBY, l’opportunité historique d’encrer la « Démocratie consensuelle » dans nos mœurs politiques, afin de réduire les risques de déstabilisation du pays, et de dévoiement des aspirations du peuple, que va entraîner l’éclatement de la majorité présidentielle.
III) Conclusion
La première année da l’Alternance du 25 mars a été incontestablement l’année des urgences et de prise en main de l’Etat. C’est cette circonstance qui a créé le retard dans la prise de conscience des Gouvernants, que nous étions entrés au début d’une une période de Transition, dont les tenants et aboutissants restaient encore à définir.
Le fait d’avoir étouffé le débat sur la Transition au sein de BSS, dès après les élections locales de mars 2009, nous a rattrapé dès notre accès au pouvoir.
L’on découvrait petit à petit, avec étonnement, une coexistence entre des « éléments de rupture » et des « éléments de continuité » que l’on avait du mal à accepter.
Cela a créé, petit à petit, des frustrations, puis des récriminations qui se sont amplifiées en direction des Législatives, pour devenir des invectives au sein des composantes de BBY.
Cependant, cette première année a accouché de réels motifs de satisfaction et d’espoir de changement pour lequel le peuple nous a fait confiance, mais aussi, de réels motifs de crainte d’un retour en arrière, avec des défis énormes en matière économique et sociale, en souveraineté nationale et en stabilité.
C’est pour cette raison, que l’année 2013 devrait être l’année d’une plus grande cohésion au sein de la majorité présidentielle, et celle des réformes venues en maturité, notamment au plan institutionnel, au plan économique et financier, dans le secteur primaire, et à l’Education nationale.
Déjà une Commission de réforme des Institutions a été créée depuis plus de six mois, de même qu’une Commission de réforme foncière, un Comité de pilotage des concertations sur l’Enseignement Supérieur, une réforme projetée du système de rémunération des agents de l’Etat après l’audit du fichier de la Fonction publique.
Toutes ces réformes devraient aboutir en 2013, pour que 2014 soit l’année du début de la mise en œuvre de leurs Conclusions qui devraient marquer, dans ces domaines, les ruptures attendues par le peuple.
Mais, ces Réformes, pour qu’elles aboutissent à ces objectifs, ne devraient pas être exclusivement l’ « affaire » de technocrates, mais aussi, l’ « affaire » du M23 et de BBY, qui devraient y apporter la dimension politique et sociale, sans lesquelles les Réformes n’ont jamais obtenu l’adhésion des populations pour qui elles sont sensées se faire.
Le M23 et BBY devraient, sans délai, prendre l’attache de ceux qui dirigent ces différentes Commissions, pour organiser des séances de concertation dans les domaines qui leur a été confié par le Chef de l’Etat.
La Bureaucratie d’Etat, à travers les encouragements des Partenaires techniques et financiers, a toujours contourné la volonté des peuples en ayant recours exclusif et systématique aux « technocrates », pour définir des politiques et programmes qui, en définitive, s’avèrent être aux antipodes de leurs aspirations, mais qui sont toujours en cohérence avec les objectifs des Institutions de Breton Woods.
Notre Révolution Républicaine Démocratique et Citoyenne, dont le moteur est le M23 et BBY, devrait rompre avec cette pratique, qui fait le lit des pouvoirs despotiques, présentés à tord comme des « pouvoirs forts », sous prétexte le Chef de l’Etat est élu par le suffrage universel direct du peuple.
En outre, l’année 2013 est aussi l’année de la question des subventions de l’énergie.
En effet, Le FMI n’a eu de cesse de pointer le doigt sur les conséquences budgétaires de cette subvention, et sur leur nature qui serait inéquitable, puisqu’elles seraient plutôt bénéfiques aux riches.
Cette rengaine du FMI a amené le Gouvernement à opter pour une suppression de cette subvention en 2014, tout en rehaussant les tarifs de l’électricité pour les « nantis ».
Quel homme de « Gauche » n’aurait il pas applaudi à cette politique de « faire payer les plus riches en épargnant les plus pauvres ».
Mais cette rhétorique du FMI vient d’être démentie par une Etude réalisée en Janvier 2013 par la Direction de la Planification et des Etudes Economiques(DPEE) de notre Ministère de l’Economie et des Finances, qui vient d’être publiée en Mars 2013.
En effet, cette Etude a conclu, qu’au plan macroéconomique « le retrait des subventions améliore le solde budgétaire, mais alimente l’inflation sans stimuler la croissance, et entraîne une perte de compétitivité » de notre Economie.
Au niveau des ménages, « le retrait de la subvention a des effets globalement négatifs, surtout à Dakar et en milieu rural », et « détruit l’emploi, notamment dans le secteur de l’électricité, de l’eau et du gaz, avec des pertes de 3,73% en première année, de 2,63% en deuxième année, de 6,7% en troisième année, et de 1,23% en quatrième année ».
Ainsi, une question se pose : au nom du redressement du solde budgétaire, faudrait-il sacrifier la croissance, l’emploi, la compétitivité et le pouvoir d’achat ?
Il n’y a que des technocrates apatrides, qui rêvent d’une carrière au sein des Institutions de Breton Woods, qui pourraient répondre affirmativement à cette inquiétante question.
Cependant, la problématique du solde budgétaire et de l’inflation devraient aussi être considérée parmi les défis à relever en 2013.
Dans cette perspective, la réduction du déficit budgétaire devrait être recherchée dans la réduction des Dépenses fiscales de l’Etat et des Dépenses de train de vie, dans la lutte systématique contre les surfacturations des marchés publics, et dans l’élimination des investissements de prestiges.
La lutte pour la maîtrise de l’inflation devrait passer par celle des produits locaux qui constituent pour 70,6% le « panier de la ménagère ».
Cependant, les publications de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie «(ANSD) du Ministère de l’Economie et des Finances, ont montré, que l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (IHPC) est déconnecté de l’Indice des prix des céréales non transformées qui dépendent du cours mondial du riz. Par conséquent, le pouvoir d’achat des salariés devrait être indexé sur celui du prix du riz pour le préserver, plutôt que de prendre comme repaire, l’IHPC qui est toujours en dessous de l’Indice du prix du riz.
L’année 2013 est donc un tournant décisif de l’Alternance du 25 mars 2012, dont dépend ce qui adviendra à notre peuple dans ce qui reste du mandat du Président Macky Sall. Il ne faudrait donc pas que les perspectives des élections locales de 2014 nous fassent rater ce tournant historique.
Dakar le 2 Avril 2013
Ibrahima Sène PIT /SENEGAL