Accueil PublicationsEcologie, Environnement COP21 et Changement Climatique quels impacts pour le Sénégal | L’urgence de s’adapter ou de disparaître

COP21 et Changement Climatique quels impacts pour le Sénégal | L’urgence de s’adapter ou de disparaître

Par Moha

 


Télécharger la version PDFVF COP21 Analyses et enjeux pour l’Afrique et le Sénégal par le Think Tank IPODE

Au Sénégal, pays côtier et sahélien, presque tous les secteurs, en plus des secteurs primaires directement dépendants des conditions environnementales et climatiques (agriculture, pêche et élevage), sont touchés par les impacts du Changement Climatique(CC).  Parmi les secteurs vitaux impactés par le phénomène du CC, l’on peut citer :

  • L’Eau et l’Assainissement :Les eaux de surface autant que les réserves d’eau souterraine sont affectées. Le réchauffement climatique engendre la hausse du niveau des mers. Avec les changements climatiques, on a noté la montée du niveau des eaux de surface accompagnée de menaces de débordements des cours d’eau principaux et de leurs affluents, menaçant de délocaliser les populations d’éventuelles inondations le long des cours d’eau nécessite la réhabilitation des stations hydrologiques (non fonctionnelles depuis plus de 10 ans), afin d’être en mesure de surveiller les variations de la marée et de contrôler les flux entrant dans l’estuaire.

De plus, on assiste à la diminution des pluies pour certaines années, en sus du caractère erratique de la pluviométrie dû en grande partie à :

o   Des saisons des pluies raccourcies.

o   Une augmentation de la fréquence des pauses pluviométriques autant que celle des pluies torrentielles de courte durée.

o   Une intensification de l’évapotranspiration.

o   Une déforestation qui n’attire plus les nuages et favorise de ce fait, la raréfaction des pluies.

o   De plus, il faut noter que la déforestation met à nu des espaces importants qui deviennent sujets à l’inondation.

Cet ensemble de phénomènes favorise le ruissellement et cause l’intrusion du biseau salé  dans les aquifères en zones côtières, réduit de façon substantielle les  taux de recharge de la nappe phréatiques avec comme conséquence, la déplétion de cette dernière, ce qui, à son tour, conduit à de fortes concentrations en fluorures, chlorures et nitrates.

 

  • La Santé : Du fait, en particulier, de la qualité et de la composition de l’eau qui sont compromises, l’état nutritionnel des populations se trouve affecté, de même que la sécurité hydrique.  Des épidémies sévères de choléra sont survenues, dues aux inondations avec débordement du lit majeur des cours d’eau et contamination subséquente de l’eau.  De même, la salinisation est un handicap prédominant de santé publique, à l’ origine de la recrudescence des maladies cardio vasculaire dans les régions de Kaolack et Fatick notamment, mais aussi de la fluorose dentaire qui sévit dans la zone. Cette salinisation menace gravement la Casamance. On pourrait citer également l’apparition de maladies dans des zones  où elles n’existaient pas en raison de la modification de leur phénologie sous la dépendance de déterminants environnementaux, eux-mêmes sous l’influence du climat.  C’est le cas du paludisme qui en vient à sévir dans des zones nouvelles dans lesquelles la saison de prévalence a tendance à persister plus longtemps au cours de l’année. Cela se produit là où les conditions environnementales deviennent propices à la prolifération du moustique (pluies inhabituellement abondantes, persistance d’eaux stagnantes, températures et humidité favorables à la reproduction de l’anophèle).  Plus importante encore, est la prévalence plus élevée des maladies respiratoires en liaison avec la pollution atmosphérique.

On pourrait également évoquer les ruptures d’approvisionnement en médicaments en cas d’événements extrêmes, isolant une région entière.  Qu’en est-il encore de la chaine d’approvisionnement, qui dans certains cas, est très dépendante de la chaine de froid, et donc d’une source d’énergie.

La mise en œuvre de pratiques d’adaptation à un climat qui change, dont certaines connues depuis longtemps, d’autres plutôt réactives à des phénomènes récents et d’autres encore qui font l’objet de recherches poussées et de mise à l’échelle, est la première réponse à des impacts dont on n’a pas pu empêcher la survenue. Pour combattre le mal à la racine cependant, il s’agit de limiter le CC qui relève de l’émission de gaz dits à effet de serre (GES) qui sont emprisonnés dans les couches supérieures de l’atmosphère et qui causent l’augmentation de la température terrestre. C’est d’ailleurs l’objet de la plus grande rencontre de la Communauté Internationale de l’année à Paris, au Bourget (à côté de l’Assemblée Générale des Nations-Unies sur les Objectifs de Développement Durable en Juin à New-York), ces jours-ci dans le cadre de la Conférence des Parties à la Convention Cadre des Nations-Unies sur le CC. Pour cela, les scientifiques du climat (Groupe International d’Experts du Climat, GIEC) ont établi la nécessité de limiter le réchauffement planétaire à au plus 2 degrés Celsius au-dessus du niveau préindustriel, permettant encore la vie sur terre.  Pour y arriver, le monde devra rapidement renoncer à l’usage des combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) dont le développement industriel a fait abondamment usage jusque-là pour assurer ses besoins en énergie et qui sont cause majeure de la production de GES. De façon notoire, le secteur de l’Energie est présentement responsable des deux-tiers des émissions de GES.  L’abandon des combustibles fossiles  permettra de réduire substantiellement les émissions additionnelles de GES dans l’atmosphère étant donné que le pendant, l’absorption des GES (dont le gaz carbonique principalement) par des réservoirs naturels tels que les forêts ou les mers, ne sera pas à la hauteur des niveaux de mitigation des GES qu’il est impératif d’atteindre rapidement pour la survie de l’humanité.

L’abandon des combustibles fossiles ne signifie pas pour autant une condamnation du progrès humain, étant donné le potentiel que revêtent les sources d’énergie dites propres et renouvelables (l’énergie solaire, éolienne, géothermale et l’énergie hydro-électrique à faible échelle) ainsi que les technologies de modélisation. Cependant, ce recours demande que nos états fassent preuve d’une volonté politique forte à engager des financements conséquents dans les énergies propres et à se départir des modèles de subvention courants de l’énergie fossile. Une telle démarche serait d’autant plus pertinente que :

  • Sur 550 milliards de dollars américains de subventions à l’énergie fossile (pétrole, gaz naturel et charbon) ces dernières années, seule, une proportion de 1% de ces subventions a bénéficié aux pauvres tandis que 43% de ces subventions ont plutôt été capturées par la tranche des 20% les plus aisés de la population ;
  • 1,5 trillion de dollars ont été investis dans les énergies renouvelables ces dix dernières années ;
  • Les énergies renouvelables ont prouvé leur compétitivité, en sus de préserver notre santé et notre survie : à Abu Dhabi, septième réserve de gaz naturel du monde, le solaire se révèle aujourd’hui plus compétitif que le gaz ; la Chine a réussi à faire baisser le coût de l’énergie solaire de 80% en six ans ; pour ne citer que ces exemples.

Aux côtés des décideurs politiques, l’impulsion viendra aussi de l’implication de la gouvernance mondiale (villes et régions), des efforts soutenus de la part de la Société Civile, de l’engagement massif du secteur public, mais surtout privé pour le financement de l’accélération de la recherche/développement dans ces technologies et de leur modélisation, ainsi que leur diffusion et leur mise à niveau.  De même cela va requérir le financement du renforcement des capacités d’utilisation de ces technologies par des pays moins développés et particulièrement vulnérables.  Les choix et comportements individuels ne seront pas en reste; c’est le cas du ménage qui a consciencieusement choisi d’investir dans un chauffe-eau solaire plutôt que dans un appareil à résistance électrique, ou de remplacer son vieux réfrigérateur militant par l à, pour davantage d’efficacité énergétique et moins de dommages à la couche d’ozone ; d’une administration qui repense l’efficacité énergétique des bâtiments publics, ou encore de la communauté rurale qui a planifié ses infrastructures en misant sur l’énergie solaire.

L’espoir est donc permis, aussi longtemps que l’on ne perdra cependant pas de vue que les prévisions climatiques, pour un pays comme le Sénégal à l’horizon 2030, restent alarmantes, dans le domaine de la sécurité alimentaire en particulier. Basées sur les Modèles de Circulation Générale et les rapports du GIEC, les prévisions sur le futur climat du Sénégal vont très certainement ressembler au climat des années 70 à 90 avec la différence notable que des températures encore plus élevées vont aggraver l’impact de la baisse de pluviométrie. Il s’agit de niveaux de température qui, sans ambiguïté, vont augmenter de 3 à 5 degrés Celsius; des niveaux de pluviométrie annuelle qui vont décliner de façon prononcée dans la décennie à venir ; l’incertitude continuelle aux plans temporel et climatique et à des échelles multiples; une fréquence plus élevée événements climatiques extrêmes et la baisse de viabilité de l’agriculture sous pluie. Ceci causera des impacts négatifs plus substantiels sur la production agricole et la disponibilité en fourrages dans le Nord Sénégal intensifiant de ce fait la pression sur les terres du Sud, davantage de pression sur les vallées humides et les écosystèmes d’eau de surface ; enfin, des impacts ressentis de manière plus exacerbée par les groupes les plus vulnérables, d’où l’importance de mettre l’accent sur les systèmes d’alerte précoces et les filets de sécurité sociaux pour les plus démunis.

guet ndar

 

A titre d’illustration il faut savoir que le banc de « yaboye[1] » ou sardinelle qui, au cours de sa migration, décide de rester un peu plus longtemps dans les eaux aux températures plus clémentes de l’Atlantique au large du Maroc ; le pêcheur de Nguet-Ndar qui se demande pourquoi le banc de yaboye met autant de temps à revenir dans les eaux de Saint-Louis et qui ne compte cependant plus prendre la mer sans avoir auparavant consulté les messages SMS sur son téléphone portable ; le producteur de maïs du Saloum qui en a fait un rituel presque religieux de scruter le ciel, le feuillage des arbres, le vol des oiseaux tous les soirs, en hivernage, pour ensuite guetter le bulletin météorologique sur son poste de télévision ; de même cet éleveur  qui compte bien l’année prochaine, continuer à souscrire à une prime d’assurance et institutionnaliser ce coût de production dans les comptes d’exploitation de son bétail, ont  quelque chose de spécial en commun !

Assurément, ils sont tous à la recherche d’une solution qui leur permette de S’ADAPTER au dérèglement climatique qui affecte la planète toute entière.

Le yaboye a décidé de modifier ses habitudes migratoires depuis que les eaux au large du Sénégal se sont réchauffées, modifiant son confort biologique, perturbant son cycle de reproduction et délocalisant ses aires de ponte.  Le pêcheur de Nguet-Ndar se rend alors compte que le banc de yaboye met davantage de temps à revenir au large de Saint-Louis, de sorte qu’il se trouve dans l’obligation de retarder son entrée dans la saison de pêche.  Il est aussi témoin de périodes dans l’année ou le yaboye est abondant et d’autres ou il est devenu bien plus rare qu’à l’accoutumée.  Dans des années récentes, il a vu des proches périr et d’autres pêcheurs perdre tout leur matériel au cours de tempêtes violentes et dans des moments ou la houle était extrêmement forte.  En vue de préserver sa vie et ses investissements, il a souscrit à un abonnement de service SMS auprès d’une compagnie de télécom, qui lui donne à tout moment l’information dont il a besoin sur l’état de la mer.  Il s’est aussi prémuni en souscrivant à une assurance risque.

agriculture pluviométrie

 

Ce producteur de maïs du Saloum a aussi vu, au cours des années récentes, le démarrage de l’hivernage connaître du retard ou la pluie tomber violemment et en grande quantité sur des durées courtes ou à des périodes inattendues dans l’année ; tantôt la saison a été entrecoupée par de fréquentes pauses pluviométriques. Tous ces phénomènes se sont révélés très perturbateurs pour les besoins du développement de la spéculation dont il a fait le choix, de la germination de la semence, à la levée, à la maturité, pour aboutir, certaines années, à des productions bien en-deçà des rendements escomptés. Il est heureux que le bulletin météorologique diffusé quotidiennement par l’Agence Nationale de l’Aviation Civile et de la Météorologie puisse lui fournir à temps, une information qu’il peut appliquer à sa zone d’intervention et qui lui permette de prendre à l’avance les mesures et décisions de gestion de son exploitation lui assurant que le maïs est à l’abri des irrégularités de la pluie. Il y a deux ans, de concert avec la Fédération des producteurs de maïs du Sénégal, des semences à cycle court ont été acquises en prévision d’une saison des pluies, qui, selon les prévisions météo risque de s’avérer plus courte que normale. Et si tout cela ne marchait pas malgré tout, l’assurance à laquelle il a souscrite, pourrait bien l’indemniser pour les dommages qu’il aurait à subir.  C’est bien aussi le paiement d’une prime d’assurance basée sur le comportement de la saison des pluies que cet éleveur a désormais décidé de consentir tous les ans, par crainte de déficit de pâturage ou de mortalité du bétail, en cas de pluies hors-saison. Nous voyons bien qu’à cause du changement climatique à l’échelle planétaire, le Sénégal est tout de même bien impacté, et ce, malgré son taux de carbonisation, taux en dessous de la moyenne. La trajectoire d’industrialisation prise par les pays plus avancés a eu un impact certain sur nos écosystème, nos économies, nos vies, notre confort. Voici la raison qui sous-tend entre autres que ces pays industrialisés, les plus avancés de la planète, sont mis à contribution pour le financement du Fonds Vert Climat (FCV). Ce fonds qui devra être le plus rapidement opérationnel et devra venir en appui aux pays en développement dans leurs efforts visant à réduire les émissions de GES et à faire face aux impacts du climat relatés plus haut.

Au titre d’un ensemble de stratégies de gestion du risque pour le secteur primaire et la sécurité alimentaire, on comptera principalement la mise à disposition et l’utilisation de l’information climatologique par les producteurs (cultivateurs, éleveurs, pêcheurs) ainsi que le recours aux services climatologiques que sont par exemple l’assurance indicielle généralisée ou le développement du marché des semences de qualité adaptées aux comportements de la température et de la pluviométrie. L’accès à l’information climatologique et aux services climatologiques peut apparaître comme un investissement individuel au coût abordable (si toutefois le cadre et les conditions favorables sont fournis par les Etats, la recherche et l’investissement privé) dont le rendement va au-delà de ses effets directs, dans la mesure où ils permettent aussi de rentabiliser des investissements réalisés par ailleurs.  Pour illustrer ce double gain, on peut en revenir aux exemples d’adaptation cités plus haut.

Dr Oumou Kalsoum LY pour le Think Tank IPODE

Docteure Vétérinaire-Economiste du Développement

Chargée de Programme Changement Climatique

 

[1] Le yaboye est aussi appelé sardinelle en zoologie,  est une des espèces de petits poissons osseux pélagiques et grégaires d’Atlantique, Méditerranée et des eaux chaudes marines côtières, de la famille des clupéidés. (Wikipédia)

Laisser un commentaire